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LANGUES TYPOLOGIE DES

Décrire les langues

Pour mettre en place une typologie des langues, il faut avant tout s'attacher à décrire les langues qui font l'objet de la recherche. La difficulté ne réside pas seulement dans une telle description, mais aussi dans l'établissement des limites d'une langue ou d'une variété de langue par rapport à une autre. La notion de langue ne va pas de soi. D'une variété de parler à une autre, on peut parfois douter d'avoir affaire à une même langue. Que regroupent par exemple l'occitan, le dioula, l'éwé ? C'est toute la question d'une langue, de ses variétés et dialectes qui se pose ici, d'autant que plusieurs points de vue s'entrecroisent souvent pour en juger : celui des linguistes, des politiques, des locuteurs, etc. Points de vue qui, comme la connaissance sur les langues, sont susceptibles d'évoluer : le dioula par exemple (Afrique de l'Ouest), qui apparaissait comme une seule et même langue, se différencie en au moins une dizaine de langues. Il reste donc souvent difficile de cerner les limites entre ce qui est de l'ordre d'une langue et ce qui est de l'ordre des variantes dialectales, les regroupements variant en fonction des critères choisis.

Élaborer des outils d'analyse

Une autre difficulté qui se présente dans l'élaboration de typologies tient à ce que la description des langues suppose un appareil de notions susceptibles de rendre compte des faits qu'on peut rencontrer dans l'analyse. Pour la description d'une langue, chaque chercheur reste généralement dépendant de la tradition grammaticale dans laquelle il évolue. Si l'on prend les grandes notions grammaticales dont on dispose en français, issues d'une longue tradition influencée par l'analyse du grec et du latin, on trouve les parties du discours : nom, pronom, adjectif, verbe, etc.

Mais certaines langues ont tendance à utiliser le même élément à des places et à des fonctions différentes. En wallisien (îles Wallis, sous-famille polynésienne), mahaki se répartit entre « le malade », « être malade », « la maladie » (Linguistique typologique, p. 163). Comment, dès lors, intégrer cet élément dans le cadre des parties du discours ? De fait, les langues qu'on est amené à étudier dans toute leur diversité conduisent souvent à remettre en cause la validité d'une telle description. C'est dire qu'on ne peut décrire la structure des langues et en identifier les éléments que s'il y a accord, même relatif, sur les faits linguistiques et sur les concepts méthodologiques à utiliser. Par exemple, sur la description des éléments de phonétique en général (analyse des sons), de morphologie (analyse des formes), de sémantique (analyse des sens), de syntaxe (analyse des règles de fonctionnement des unités), etc. Ici, les débats ne cessent d'évoluer. Si par exemple Benveniste a pu étudier la notion de parfait en paléo-sibérien oriental (1970), c'est qu'il avait l'intuition de ce que peut être un parfait en général, à savoir un temps du passé exprimant généralement une action révolue (Benveniste, 1970 ; Lazard, 2001, p. 59). Mais il peut paraître bizarre d'utiliser des notions comme celle d'aoriste, qui en grec ancien désigne un temps marquant une action ponctuelle, pour décrire des langues comme les variétés de berbère, dans lesquelles la structure des temps est tout à fait autre. Il peut cependant apparaître commode de considérer que la notion de parfait en général renvoie à un passé accompli et celle d'aoriste à un passé ponctuel. C'est d'ailleurs l'usage habituel en typologie, quitte à spécifier et particulariser certains points en fonction du profil des langues étudiées.

Sujet et objet

Les outils méthodologiques utilisés pour la description des langues offrent[...]

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Écrit par

  • : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne

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