TYRANNIE, Grèce antique
Les tyrannies archaïques
L'évolution intérieure des cités grecques à l'époque archaïque est assez mal connue. La tendance générale à long terme est cependant claire, du moins si l'on admet que l'Iliadeet l'Odyssée présentent des institutions et des pratiques politiques proches de celles du haut archaïsme (fin ixe-viiie s. av. J.-C.). Du viiie au vie siècle, la décision collective par vote majoritaire au sein de conseils et d'assemblées remplace progressivement la décision royale ; les fonctions religieuses, militaires et judiciaires du roi ont été divisées entre plusieurs magistrats élus ou tirés au sort pour un temps limité. Cette double évolution semble bien engagée dans la plupart des cités dès le début du viie siècle, et profite surtout dans un premier temps aux familles aristocratiques ou à certaines d'entre elles, mais ce « régime aristocratique » se révèle très instable, parce que la minorité du Conseil répugne à se plier à la règle majoritaire, parce que le peuple réuni sur l'agora réclame des droits accrus, et parce que l'accès aux magistratures fait l'objet d'âpres compétitions. Les revendications sociales des paysans pauvres désireux d'obtenir une abolition des dettes et un nouveau partage des terres, ainsi que les revendications politiques des hoplites, combattants à pied non aristocrates, souhaitant acquérir des droits correspondant à leur rôle militaire, expliquent en partie la violence des conflits en Grèce archaïque ; mais il faut tenir compte aussi des luttes sanglantes opposant souvent des factions aristocratiques. Malgré le peu de sources existantes, deux catégories de personnages émergent de l'obscurité générale : celle des législateurs (dont le plus célèbre est l'Athénien Solon) et surtout celle des tyrans.
La liste des tyrans grecs établie par les historiens modernes repose en partie sur quelques critères simples (on parle ainsi de tyrannie à propos des individus et des dynasties qui ont exercé un pouvoir absolu dans des cités grecques, pendant une période qui n'a jamais dépassé un siècle), en partie sur l'emploi du terme de tyran dans les textes anciens, à propos de personnages dont nous ignorons presque tout. Si ces indications suggèrent que la tyrannie a été considérée dès le viie siècle comme un phénomène nouveau et fascinant, et, assez tôt, comme un phénomène anormal et provisoire, il convient de souligner que les traditions concernant les tyrans archaïques ont été réinterprétées en fonction de théories politiques ultérieures, mais aussi par analogie avec d'autres phénomènes monarchiques – les tyrannies du ive siècle, comme celle de Denys de Syracuse, les monarchies hellénistiques et l'Empire romain. C'est pourquoi le témoignage d'Hérodote, au troisième quart du ve siècle, est particulièrement précieux : ses récits reflètent des traditions, des polémiques et des interprétations relativement anciennes. Nous présenterons ici, dans un ordre chronologique approximatif, les tyrannies archaïques les mieux connues.
Les tyrans du Péloponnèse
Sur la tyrannie des Kypsélides de Corinthe (– 657- – 580 env.), le texte le plus détaillé dont nous disposons est le discours que tient vers – 500 le Corinthien Soclès, pour dissuader les Spartiates de restaurer la tyrannie à Athènes (Hérodote, Histoire, V, 92). Avant la tyrannie, Corinthe était dominée par l'oligarchie étroite des Bacchiades, dont les membres, qui prétendaient descendre du même ancêtre, pratiquaient l'endogamie et se réservaient le monopole du pouvoir. L'un des membres du clan eut une fille boiteuse, Labda, qu'il dut donner en mariage à un homme ne faisant pas partie des Bacchiades. Divers oracles annoncèrent qu'elle donnerait prochainement naissance à un aigle, à un lion, à une pierre qui roulerait et viendrait[...]
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Écrit par
- Pierre CARLIER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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