Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TYRANNIE, Grèce antique

Les tyrannies de la fin de l'époque classique et de l'époque hellénistique

Grâce au poète comique Aristophane, on peut dater précisément de 422 le moment où la crainte de la tyrannie resurgit au premier plan des préoccupations athéniennes (Les Guêpes, 490-504). Cette inquiétude croît rapidement, si bien qu'en 415, lors des enquêtes menées sur deux graves sacrilèges, les Athéniens « rapportent tout à une conspiration oligarchique et tyrannique » (Thucydide, VI, 60). Alcibiade est tout particulièrement soupçonné de visées tyranniques. Hermocrate, le principal artisan de la victoire syracusaine sur la flotte athénienne, en 413, est lui aussi soupçonné et banni. Après quelques succès contre les Carthaginois, il tente en 408 un coup de force, qui échoue.

Deux ans plus tard, un ancien compagnon d'Hermocrate, Denys (connu comme Denys l'Ancien), dénonce vigoureusement l'incapacité des stratèges syracusains face aux Carthaginois, les fait condamner à mort pour trahison et se fait élire lui-même stratège unique, avec les pleins pouvoirs. Un peu plus tard, il organise un faux attentat contre lui-même (comme Pisistrate) et se fait accorder des gardes du corps. En 405, il conclut avec les Carthaginois un traité qui leur abandonne une grande partie de la Sicile. L'essentiel est pour lui d'obtenir un répit pour consolider son pouvoir personnel, puis tenter de prendre sa revanche militaire. Pendant son long règne, qui dure jusqu'en 367, Denys mène trois guerres contre les Carthaginois, avec des succès divers. Ses adversaires l'ont accusé de n'avoir pas voulu chasser totalement les Carthaginois de Sicile, parce que le danger que représentaient ces derniers poussait les Grecs établis dans l'île à accepter sa tyrannie. Son impérialisme s'étend bien au-delà de la Sicile, en Calabre et jusque dans l'Adriatique. Alors que les riches cavaliers de Syracuse se montrent les plus résolus de ses adversaires, Denys accorde la citoyenneté à un certain nombre d'esclaves affranchis, afin de s'assurer leur appui dans le peuple. Il prend aussi et surtout des dispositions qui lui permettent de ne pas dépendre d'une popularité fluctuante, et transforme l'île d'Ortygie en un palais fortifié réservé à sa famille, à sa cour et à ses mercenaires. Pour couvrir ses énormes dépenses, le tyran confisque les biens de ses adversaires, réels ou présumés, et fait peser sur ses sujets une lourde pression fiscale. Denys aurait voulu bénéficier du même prestige panhellénique que Gélon et Hiéron. Il invite donc à Syracuse des poètes et des philosophes (en particulier Platon, avec lequel il ne tarde pas à se brouiller), participe aux courses de chars des concours olympiques, et cherche à faire représenter à Athènes des tragédies de sa composition. Il n'y parvient cependant qu'en 367, lorsque les Athéniens veulent obtenir son alliance. Le fils de Denys l'Ancien, Denys le Jeune, gouverne avec plus de modération que son père et mène une politique extérieure judicieuse. Il s'attire cependant le mépris de ses concitoyens par son ivrognerie ostentatoire. Un tyran méprisé ne peut se maintenir longtemps.

Dans la même cité de Syracuse, vers 317-316, Agathocle, un fils de potier que ses prouesses militaires ont rendu populaire, se fait accorder les pleins pouvoirs par des manœuvres assez voisines de celles de Denys. Il conduit les opérations militaires contre Carthage avec énergie, n'hésitant pas à porter la guerre en Afrique. En 306, apprenant qu'Antigone et Démétrios, imités par Ptolémée, Lysimaque et Seleucos, se sont fait proclamer rois, il prend lui aussi le titre royal, ne s'estimant en rien inférieur aux Diadoques. C'est un autre tyran proclamé roi, Hiéron II, qui mènera la délicate politique de Syracuse entre Rome et Carthage de 265 à 215.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Médias

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure)

Tête présumée de Sargon d'Akkad-Naram-Sin - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Tête présumée de Sargon d'Akkad-Naram-Sin

Autres références

  • ACROPOLE D'ATHÈNES

    • Écrit par
    • 8 215 mots
    • 9 médias
    Durant la tyrannie de Pisistrate et de ses fils (560-510), l'Acropole redevint le siège du pouvoir politique : le tyran y résidait sous la protection de sa garde personnelle. Comme dans bien d'autres cités au vie siècle, la tyrannie ne fut pas à Athènes une période d'oppression farouche, mais...
  • AGATHOCLE (env. 359-289 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 431 mots

    Fils d'un potier de Rhêgion (auj. Reggio di Calabria) Agathocle, né à Thermae près d'Himère, fait partie d'une faction populaire qui dispute le pouvoir à l'aristocratie grecque de Sicile. Un coup d'État lui permet de devenir, à Syracuse, un de ces tyrans progressistes...

  • AGRIGENTE

    • Écrit par
    • 2 116 mots
    • 8 médias
    ...J.-C.), elle connaît une alternance de régimes tyranniques ( Phalaris de 570 à 554, Théron de 488 à 473 en particulier), oligarchiques et démocratiques. Les deux principaux tyrans marquent de leur personnalité l'histoire d'Agrigente ; Phalaris vaut mieux que l'image du souverain cruel, faisant brûler ses...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    Sauf dans le cas extrême de la tyrannie, le commandement politique diffère du rapport de maître à esclave, car il s'adresse à des hommes libres. En droit, le meilleur gouvernement est la monarchie, c'est-à-dire une forme de gouvernement analogue au commandement que, dans l'ordre domestique,...
  • Afficher les 18 références