NU U (1907-1995)
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Premier ministre de la Birmanie (1948-1956, 1957-1958, 1960-1962).
Né le 25 mai 1907 à Wakema, petite bourgade du delta de l'Irrawaddy, fils aîné d'un petit commerçant, U Nu avait pu faire des études supérieures et accéder à l'université de Rangoon, dont il sortit diplômé en 1929, mais où il revint en 1935 pour se préparer au barreau. Il devint alors un des leaders de l'Union des étudiants, puis du premier parti nationaliste du pays, le Do Bama Asi Ayon (1936-1937).
Survint, à la fin de 1941, l'invasion japonaise, puis la mise sur pied, par les Nippons, d'une autorité nationale birmane et d'un parti unique. Thakin Nu (c'est ainsi qu'il se désigne alors) en est le secrétaire général. Le 1er août 1943, lorsque le gouvernement birman pro-nippon est constitué, avec Ba Maw comme leader, Nu devient ministre des Affaires étrangères et Aung San ministre de la Guerre. En août 1944, cette jeune équipe, nationaliste mais de gauche, crée une sorte de Front national, la Ligue antifasciste pour la liberté du peuple (Anti-Fascist People's Freedom League, A.F.P.F.L.) et, sentant le vent tourner, prend contact secrètement avec les Alliés. L'A.F.P.F.L. contribuera à la reconquête du pays par les Britanniques. Confronté au puissant mouvement nationaliste, ceux-ci, dès 1946, semblent disposés à accorder, sous certaines conditions, l'indépendance à la Birmanie. En septembre 1946, Aung San devient président de l'A.F.P.F.L., Nu le vice-président. Ils expulsent de la Ligue les communistes qui s'opposent à toute négociation avec Londres. Aung San signe avec Clement Attlee le 27 janvier 1947 le traité anglo-birman : l'indépendance sera accordée dans un délai d'un an et le pouvoir sera transféré à un gouvernement démocratique issu d'élections libres. Nu est président de l'Assemblée constituante élue le 9 avril 1947, mais avant même que la Constitution soit adoptée, Aung San est assassiné, le 19 juillet. Nu est appelé à lui succéder et c'est lui qui, le 17 octobre, signe à Londres le traité définitif par lequel l'Angleterre reconnaît l'Union de Birmanie comme État indépendant et souverain. Le 4 janvier 1948, la Grande-Bretagne transfère sa souveraineté à la Birmanie, qui quitte le Commonwealth. Le gouvernement de Nu se trouve immédiatement aux prises avec des insurrections armées, celle des communistes d'abord, hostiles à l'A.F.P.F.L. dont ils dénoncent le socialisme réformiste, celles de plusieurs minorités ethniques ensuite. Les Karens, en majorité chrétiens et pro-anglais, s'assurent en 1948-1949 le contrôle du delta de l'Irrawaddy et parviennent aux portes de Rangoon. Le gouvernement de Nu sera sauvé de justesse par l'intervention de l'Inde et de l'Angleterre. Mais ce n'est que lentement que l'armée, que commande le général Ne Win, parviendra à refouler les insurgés vers les zones périphériques. En 1951 seulement, Nu peut procéder à des élections générales. L'A.F.P.F.L. en sort majoritaire, et Nu reste son leader.
Il s'était efforcé, dès 1948, de mettre en place un régime socialiste démocratique, nationalisant la plupart des entreprises (dont les anglaises et les indiennes) et même la terre. Après 1951, il se consacre à l'édification d'un État-providence, mais la bureaucratie y prolifère, et aussi la corruption. L'A.F.P.F.L. se discrédite.
En matière de politique étrangère, U Nu est, comme Nehru, neutraliste, hostile à toute alliance. Il sera un des fondateurs du Mouvement des non-alignés, un des “invitants” de la Conférence afro-asiatique de Bandung en 1955, entretiendra des relations constantes avec l'Inde et la Yougoslavie, mais aussi avec la Chine et l'U.R.S.S. De bons rapports seront toutefois maintenus avec Londres et même Washington.
Inefficacité, corruption, anarchie... Nu s'efforce vainement de réorganiser l'A.F.P.F.L. En mai 1958, celle-ci se scinde en deux factions rivales, la clean de Nu, et la stable de Kyaw Nyein. En septembre 1958, désespéré, Nu demande au chef de l'armée Ne Win de prendre la tête d'un gouvernement provisoire et de mettre le pays en ordre jusqu'aux prochaines élections. Ne Win réussit à assainir la situation et, en 1960, rend le pouvoir aux civils. Les élections du 6 février 1960 donnent la victoire à U Nu, qui reprend la direction du gouvernement. Il a deux idées en tête : faire du bouddhisme (dont il est un fervent adepte) la religion d'État, ce qu'il obtient en 1961 en faisant amender la Constitution, et faire la paix avec les minorités insurgées en transformant la Birmanie en une République fédérale où les États ethniques auront le droit de faire sécession. Mais l'armée, par un coup d'État du général Ne Win (2 mars 1962), renverse Nu et son équipe, les fait emprisonner et instaure un régime militaire à programme socialiste qui s'est maintenu trente-trois ans durant.
Libéré en octobre 1966, U Nu a été consulté en 1968 par Ne Win sur une réforme éventuelle du régime, mais n'ayant pas été écouté, il décide en 1969 de passer à l'action. Après un pèlerinage en Inde, il ne rentre pas à Rangoon et s'installe à Bangkok, où l'asile politique lui est accordé et où il forme un Front de libération anti-Ne Win. Mais il doit quitter cette ville en 1973 pour se réfugier d'abord aux États-Unis, puis en Inde. Il peut cependant, dans le cadre d'une amnistie, revenir à Rangoon en 1980 ; il se consacre alors aux études bouddhiques, jusqu'à la chute (en juillet 1988) du régime Ne Win. Il se déclare alors président d'un gouvernement parallèle. Mais il sera lui aussi brisé par la répression militaire et, en septembre 1989, mis en résidence forcée. Il ne sera libéré qu'en avril 1992.
L'homme qui fut, à ce jour, le seul Premier ministre civil de la Birmanie indépendante, U Nu, s'est éteint à Rangoon, à quatre-vingt-sept ans, le 14 février 1995. Il avait incarné, pendant des décennies, le socialisme démocratique dans son pays.
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Écrit par
- Philippe DEVILLERS : docteur ès lettres (histoire), historien, professeur (relations internationales)
Classification
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