- 1. Années de formation et de survie (fin 1917-1921)
- 2. La parenthèse de la NEP (1921-1929)
- 3. Les années 1930, une décennie décisive
- 4. Le « second stalinisme » : de la guerre à la mort de Staline (1941-1953)
- 5. Les années Khrouchtchev (1953-1964)
- 6. L'obsession de la stabilité (1965-1985)
- 7. De la perestroïka à la fin de l'URSS (1985-1991)
- 8. Bibliographie
U.R.S.S. Histoire
Les années 1930, une décennie décisive
Le Grand Tournant (1929-1933)
En quelques années, l'Union soviétique est bouleversée de fond en comble par une seconde révolution qui transforme en profondeur la société et l'économie, brisant à la racine les structures et les modes de vie ruraux que la révolution de 1917 avait laissés pour l'essentiel intacts, engendrant un regain de violence et de terreur contre une société récalcitrante. Collectivisation forcée et industrialisation accélérée sont les deux faces de cette modernisation brutale.
La collectivisation forcée des campagnes est une véritable guerre déclarée par l'État soviétique contre toute une nation de petits exploitants. Loin de se borner à l'hiver 1929-1930, cette guerre dure en réalité jusqu'au milieu des années 1930, culminant en 1932-1933, années d'une terrible famine, conséquence prévisible d'une politique de prélèvement abusif, par l'État, de la production agricole. Dans le droit fil de la violence exercée contre la paysannerie durant la guerre civile, la violence de la collectivisation forcée des campagnes apparaît comme un épisode central dans la pratique de la terreur stalinienne.
Décidée le 27 décembre 1929, la liquidation des koulaks en tant que classe fixe un chiffre indicatif de 3 à 5 p. 100 d'exploitants agricoles « à dékoulakiser ». Mélange de rafle policière et de règlements de compte entre paysans, cette opération se solde par la déportation vers les régions inhospitalières de la Sibérie, de l'Oural, du Kazakhstan et de la Sibérie de deux millions de paysans, abandonnés, sans vivres ni outils, en pleine taïga, ou assignés à résidence dans des « villages de peuplement spécial » près des grands chantiers du « Ier plan ».
Collectivisation et « dékoulakisation » suscitent d'âpres résistances. Pour la seule année 1930, la Guépéou recense plus de quatorze mille émeutes et soulèvements paysans, qui contraignent momentanément Staline à reculer. Alors que les statistiques officielles font état de 58,6 p. 100 de foyers paysans collectivisés au 1er mars 1930, Staline se voit contraint de condamner, dans un article célèbre (Le Vertige du succès, 2 mars 1930), « les nombreuses entorses au principe du volontariat dans l'adhésion des paysans aux kolkhozes », rejetant tous les abus sur les autorités locales. Bientôt, néanmoins, après une brutale décrue des foyers collectivisés (21 p. 100 en juillet 1930), le régime réitère ses pressions : les paysans récalcitrants sont lourdement taxés, déportés à l'occasion de nouvelles vagues de « dékoulakisation ». À l'automne 1931, l'État accroît les prélèvements obligatoires sur la récolte, très médiocre, des kolkhozes. Un tel prélèvement désorganise totalement le cycle productif. Entre les kolkhoziens, décidés à user de tous les stratagèmes pour conserver une partie de leur récolte, et les autorités, soucieuses de réaliser à tout prix les objectifs du plan, le conflit est inévitable. Le 7 août 1932, le gouvernement édicte une loi qui condamne à dix ans de camp tout vol aux dépens du kolkhoze. En quatre mois, plus de cent mille kolkhoziens sont condamnés pour avoir volé quelques épis dans les champs collectifs. La conséquence ultime de ce cycle prélèvement-résistance-répression est une terrible famine, totalement passée sous silence, niée par le régime soviétique jusqu'en 1988, qui fait, principalement en Ukraine, dans le Caucase du Nord et au Kazakhstan, environ six millions de victimes.
En cinq ans (1929-1934), 95 p. 100 des foyers paysans sont collectivisés. L'État réussit une formidable opération d'extorsion de la production agricole : en 1934, 45 p. 100 de la production agricole totale est directement prélevée par l'État, achetée à des prix dérisoires (5 à 10 p. 100 du prix du marché) aux[...]
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Écrit par
- Nicolas WERTH : directeur de recherche au CNRS
Classification
Médias
Autres références
-
ORIGINE DE LA VIE : L'HYPOTHÈSE OPARINE-HALDANE
- Écrit par Stéphane TIRARD
- 2 541 mots
- 2 médias
...scientifique soviétique porte la marque de sa proximité avec le pouvoir, puisqu’il devient directeur de l’Institut de biochimie de l’Académie des sciences d’URSS en 1946, après avoir participé à son organisation en 1935. Par ailleurs, en tant que secrétaire académicien du département des sciences biologiques...