UFA (Universum-Film AG)
Voici près d'un siècle, le cinéma allemand, en retard sur ses concurrents européens, était dispersé en petites entreprises affaiblies par la guerre lorsque, sous la pression de l'état-major soucieux de mieux maîtriser les armes de la propagande, la création d'une entreprise puissante fut décidée. C'est ainsi que naît, en 1917, la U.F.A. (Universum-Film Aktiengesellschaft), avec le concours financier du Reich et surtout de la Deutsche Bank, de Krupp, de la compagnie électrique AEG et des industries chimiques IG Farben. La nouvelle compagnie absorbe plusieurs sociétés de production expérimentées, bénéficiant ainsi des studios de Berlin-Tempelhof, où Ernst Lubitsch s'illustre dans le Kostümfilm. En 1921, la U.F.A. absorbe la Decla-Bioscop, la société d'Erich Pommer, qui est promu chef de toutes les unités de production de la U.F.A. – et dont elle reprend les studios de Berlin-Babelsberg. Ceux-ci, une fois modernisés, deviendront la U.F.A.-Stadt.
La U.F.A., qui dispose bientôt d'un réseau de salles prestigieuses, intègre toutes les branches de l'industrie cinématographique, sans négliger les recherches techniques et formelles. Elle contribue puissamment à faire du cinéma allemand des années 1920 le cinéma le plus créatif, avec le cinéma américain. Elle peut compter sur des metteurs en scène comme F. W. Murnau (Le Dernier des hommes, 1924 ; Faust, 1926), Karl Grüne, E. A. Dupont (Variétés, 1925), et parfois Fritz Lang (Les Nibelungen, 1924 ; Metropolis, 1926), sur de nombreuses stars (Henny Porten, Lil Dagover, Brigitte Helm, Emil Jannings, Werner Krauss, Willy Fritsch...), des scénaristes comme Thea von Harbou et Carl Mayer, des techniciens de talent, Carl Hoffmann (chef-opérateur), Robert Herlth et Walter Röhrig (décorateurs). Les films novateurs voisinent avec les œuvres de divertissement et les grandes fresques historiques – au contenu généralement nationaliste (Fridericus Rex, d'Arsen von Cserepy, 1920-1923). Les studios alimentent une exportation qui s'étend aux actualités cinématographiques hebdomadaires.
Comme l'ensemble de l'économie allemande, la U.F.A. ne peut échapper à la crise. Elle est reprise par le magnat de la presse Alfred Hugenberg, ancien président de Krupp et important politicien nationaliste (il sera membre du cabinet formé par Hitler en 1933). Malgré la censure politique et commerciale, le virage du cinéma parlant est pris avec brio. La U.F.A. produit L'Ange bleu, de Josef von Sternberg (1930), des opérettes filmées tournées en plusieurs langues avec l'actrice polyglotte Lilian Harvey (dont Le Chemin du Paradis, de Wilhelm Thiele, 1930 ; Le congrès s'amuse, d'Erik Charell, 1931), des films d'aventures et quelques films marqués idéologiquement – déjà.
Ces deux tendances (films à contenu idéologique nationaliste et films de divertissement) domineront la production après l'arrivée au pouvoir des nazis. Désormais sans concurrence intérieure, mais privée de nombreuses personnalités ayant fui le pays, aryanisée et touchée par les interdits professionnels auxquels n'échappent que quelques individualités – du moins jusqu'en 1937 –, la U.F.A. salue le nouveau régime avec Le Jeune Hitlérien Quex, de Hans Steinhoff (1933), tout en cultivant les genres commerciaux : films musicaux, mélodrames (où s'illustre Detlef Sierck, futur Douglas Sirk), Heimat-Film (romance rurale conservatrice), films de montagne avec Luis Trenker, et aussi films anti-anglais, films « prussiens » et films d'exaltation nationaliste – dont Kolberg, sorti sous les bombardements peu avant l'armistice. La U.F.A. cultive le star system, avec notamment Zarah Leander (qui a remplacé Marlene Dietrich dans le cœur des spectateurs), la danseuse Marika Rökk, Marianne Hoppe, Kristina Söderbaum, Ilse Werner, Heinrich George, Hans[...]
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Écrit par
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
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ALLEMAND CINÉMA
- Écrit par Pierre GRAS et Daniel SAUVAGET
- 10 274 mots
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