BECK ULRICH (1944-2015)
Repenser le cosmopolitisme
Esquissé dans son premier ouvrage, désormais classique, ce projet ambitieux de refondation des sciences sociales a été reformulé plus systématiquement dans des ouvrages ultérieurs, notamment dans Pouvoir et contre-pouvoir à l’heure de la mondialisation (2003) et dans Qu’est-ce que le cosmopolitisme ? (2006). Aux thématiques qui le préoccupaient dans ses premiers écrits, Beck intègre celles de la mondialisation, de la globalisation et surtout du cosmopolitisme dont il fait son cheval de bataille.
Cependant, le cosmopolitisme, chez Beck, se distingue nettement de la conception normative, philosophique ou juridique, qui s’est développée à l’époque des Lumières. On sait que Kant a jeté les bases d’une réflexion juridique sur le cosmopolitisme afin de penser les conditions d’une paix perpétuelle. Dans la perspective de Beck, le cosmopolitisme n’est pas une idée normative, c’est un phénomène éminemment concret engendré par la mondialisation des échanges économiques, culturels, politiques et par l’articulation du local et du global. Il s’agit d’un processus multidimensionnel caractérisé par les interdépendances qui relient les hommes. La réalité elle-même est devenue cosmopolitique. De fait, la vie quotidienne, le monde du travail, les relations amoureuses, etc., deviennent cosmopolitiques dans la mesure où ils sont le mélange de différentes cultures. À cet égard, il ne serait pas exagéré de considérer le cosmopolitisme comme un fait social total. Cependant, ce phénomène réel, ayant une dimension transnationale, ne peut pas être appréhendé par les outils méthodologiques anciens de la sociologie, pour la raison que cette dernière s’est développée dans un cadre national et ses recherches et investigations se sont déployées à l’intérieur des frontières de l’État-nation. C’est ce que Beck nomme « nationalisme méthodologique » qu’il oppose au « cosmopolitisme méthodologique ». Celui-ci est présenté comme une alternative pour mener des recherches en sciences sociales dans un cadre élargi tenant compte des dimensions transnationales et mêlant le global et le local. La sociologie de la première modernité s’avérerait ainsi démunie face au défi du cosmopolitisme. Cependant, tout compte fait, les thèses de Beck manquent parfois d’ancrage empirique et restent largement théoriques, ce qui fragilise ses analyses.
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Écrit par
- Mohamed NACHI : professeur de sociologie à l'université de Liège (Belgique)
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