ZWINGLI ULRICH (1484-1531)
Zwingli est un personnage complexe et multidimensionnel. Humaniste et autodidacte, penseur religieux et réformateur, patriote et figure nationale suisse – certains ajoutent prophète biblique –, il est tout cela en une personne, dont la vie et l'action sont conditionnées par l'histoire suisse durant le premier tiers du xvie siècle. On ne saurait détacher ni abstraire tel ou tel aspect de sa personnalité sans fausser l'ensemble. Aussi convient-il dans toute étude, même partielle, de tenir toujours présentes à l'esprit ces différentes coordonnées.
Les débuts de Zwingli
Huldrych (Ulrich) Zwingli naquit à Wildhaus dans le Toggenburg, au pied du mont Santis (Suisse orientale). Il était le troisième fils de l'ammann (principal notable) du district. Le Toggenburg dépendait de l'abbé de Saint-Gall, mais était lié par traité avec Schwyz, l'un des cantons primitifs de la Confédération – ce qui explique la conscience patriotique « suisse » de Zwingli. Celui-ci fréquenta d'abord l'école primaire de Weesen (Walensee), puis la « Trivialschule » de Bâle et celle de Berne, dirigée par H. Wölflin (Lupulus). Inscrit à l'université de Vienne (en 1498 puis en 1500), il passa en 1502 à celle de Bâle où il fut formé dans l'esprit de la via antiqua ; il y devint bachelier ès arts en 1504 et maître en 1506 (sur la querelle entre reales et nominales dans les universités à cette date, cf. M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, t. III, 1947). Nommé à la cure de Glarus après un semestre d'étude de théologie, il fut ordonné prêtre à Constance par l'évêque Hugo von Hohenlandenberg (sept. 1506). Son séjour à Glarus (1506-1516) fut interrompu par deux voyages en Italie du Nord (Novare, 1513 ; Marignan, 1515), où il accompagna les troupes suisses comme aumônier (Feldprediger). D'abord partisan de l'alliance papale, il obtint du Saint-Siège une pension annuelle de cinquante florins, à laquelle il renonça en 1520. La défaite sanglante de Marignan lui ouvrit les yeux sur les méfaits du mercenariat et du régime des pensions. Ses premiers écrits sont des poèmes de portée politique : Allégorie du bœuf (1510), Le Labyrinthe (1516). En même temps, il se plongeait dans l'étude des scolastiques et des Pères, puis, sous l'influence d' Érasme, il se mit à étudier le grec (1513) et copia les épîtres de saint Paul (en grec), d'après l'édition du Nouveau Testament (Bâle, mars 1516), pour les mémoriser suivant le conseil que donne Érasme dans l'Enchiridion. Zwingli se rattache au cercle des humanistes bâlois admirateurs d'Érasme, dont Glarean était le centre. À partir de 1514, on peut parler d'un « humanisme suisse » (W. Näf, L. von Muralt, K. Maeder) ; celui-ci n'eut qu'une existence éphémère, mais Zwingli retira de sa visite à Érasme (à Bâle, au printemps 1516) une impression durable. Déjà dans un poème de 1510 (Expostulatio Iesu cum homine), Érasme insinuait qu'il était vain de chercher un bien quelconque en dehors du Christ, alors que celui-ci était « la source de tout bien, sauveur, consolateur et trésor de l'âme » ; Zwingli en eut connaissance vers 1514-1515 (Corpus Reformatorum, II), et dès ce temps il concentra ses pensées sur le Christ (solus Christus), par opposition aux créatures et aux formes accessoires de la religion. Première appréhension mystique, qui avec le temps ne cessa de s'amplifier. La lecture des ouvrages du maître l'initia à la philosophia Christi et à ce qu'on appelait alors la « nouvelle théologie » (Écriture et Pères) ; il fit sien le double idéal d'Érasme du Christus renascens (renaissance des belles-lettres et du christianisme puisé à ses sources) et du pacifisme. Ce dernier trait se conjuguait avec sa propre campagne pour la neutralité[...]
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Écrit par
- Jacques Vincent POLLET : maître de recherche honoraire au C.N.R.S.
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Média
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