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KHAYYĀM ‘UMAR (1021 env.-env. 1122)

Un poète controversé

Malgré toute leur importance, ces travaux, loin de donner satisfaction à l'auteur dans ses recherches métaphysiques, ont provoqué chez lui de vifs sentiments de déception et d'amertume. Khayyām a exprimé ces sentiments dans de parfaits poèmes épigrammatiques appelés rubā‘iyyāt (singulier rubā‘i, qu'on pourrait traduire en français, faute de terme propre, par le mot « quatrain »).

Probablement d'origine persane, le rubā‘i se compose de quatre vers, construits sur un rythme unique ; le premier, le second et le quatrième riment ensemble, le troisième étant un vers blanc. Du fait de la brièveté du quatrain, le poète est tenu de présenter sa pensée, généralement d'ordre philosophique, moral ou spirituel, sans avoir recours à la moindre fioriture. Certes, avant Khayyām, d'autres poètes avaient composé des rubā‘iyyāt, mais ce n'est qu'avec l'œuvre du poète de Nīshāpūr que ce genre a atteint son plus haut sommet de perfection.

Cependant, quelque paradoxal que cela puisse paraître, les rubā‘iyyāt ne connurent la popularité que longtemps après la mort de Khayyām. Entre-temps, un certain nombre de poètes et d'hommes de lettres composèrent eux aussi des quatrains, mais le nom de Khayyām étant en quelque sorte lié à cette forme de poésie, une multitude de pièces faites au cours des siècles furent enregistrées sous son nom. À la fin du siècle dernier, le nombre des quatrains attribués à Khayyām atteignait plusieurs centaines ; les orientalistes commencèrent à émettre des doutes sur l'authenticité de ces poèmes et entreprirent de minutieuses recherches pour en vérifier les sources. On écarta ainsi plus d'une centaine de quatrains « errants » appartenant, selon quelques manuscrits, à d'autres poètes et que les compilateurs avaient indûment introduit parmi les rubā‘iyyāt de Khayyām. Le nombre considérable de ces pièces apocryphes, le petit nombre des quatrains possédant des titres sérieux d'authenticité incitèrent plusieurs spécialistes à douter de l'existence de Khayyām le poète. L'un d'entre eux proposa même, dit-on, d'éliminer ce nom de la littérature persane.

Cette critique approfondie des sources se révélant décevante, quelques chercheurs tentèrent de déterminer les pièces authentiques de Khayyām selon l'inspiration poétique de celui-ci. Prenant comme références de base quelques dizaines de rubā‘iyyāt recueillis sous le nom de Khayyām dans les plus anciens manuscrits, ils assemblèrent des quatrains à tendance pessimiste ou hédoniste, dont le nombre varie selon les différents choix entre cent vingt et un et cent soixante-dix-huit. Ils éliminèrent ainsi tous les vers teintés tant soit peu de couleur mystique ou morale.

Si scrupuleux soient-ils, la plupart de ces travaux sont entachés d'une flagrante imperfection : ils ont été réalisés à partir des préjugés ou des partis pris des chercheurs ; le choix des quatrains est souvent arbitraire et l'on en donne une interprétation « à sens unique ». Il est impossible, assurément, de considérer comme authentiques tous les rubā‘iyyāt d'origine et d'inspiration disparates accumulés pendant des siècles sous le nom de Khayyām ; il n'en reste pas moins qu'en procédant ainsi, les chercheurs ont commis une erreur plus grave : ils ont négligé un ou plusieurs aspects importants de l'œuvre du poète. Erreur, en effet, comme dit Paul Valéry, « contraire à la nature de la poésie et qui lui serait même mortelle que de prétendre qu'à tout poème correspond un sens véritable, unique, conforme ou identique à quelque pensée de l'auteur ».

Les mêmes doutes, les mêmes divergences d'idées et la même diversité de tendances ne se manifestent-elles pas à l'égard de l'œuvre de ‘Aṭṭār, autre grand poète[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur de littérature comparée aux universités de Téhéran, traducteur-expert auprès de la cour d'appel de Paris

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