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ECO UMBERTO (1932-2016)

Eco romancier

Dans Les Limites de l'interprétation (1991), Umberto Eco s'arrête encore une fois sur cette relation entre l'auteur et son lecteur. Il s'interroge sur la définition de l'interprétation et sur sa possibilité même. Si un texte peut supporter tous les sens, il dit tout et n'importe quoi. Pour que l'interprétation soit possible, il faut donc lui trouver des limites. Elle doit être finie pour pouvoir produire du sens. Umberto Eco s'intéresse là aux applications des systèmes critiques et aux risques de mise à plat du texte, inhérents à toute démarche interprétative. Dans La Recherche de la langue parfaitedansla culture européenne (1993), il étudie les projets fondateurs qui ont animé la quête d'une langue idéale. L'idée développée est que la langue universelle n'est pas une langue à part, langue originelle et utopique ou langue artificielle, mais une langue idéalement constituée de toutes les langues.

Professeur, chroniqueur et chercheur, Umberto Eco est également romancier. Ses œuvres de fiction sont d'une certaine façon l'application des théories avancées dans L'Œuvre ouverte ou Lector in fabula. Ses deux premiers romans, Le Nom de la rose (1980) et Le Pendule de Foucault (1988), se présentent comme des romans où se mêlent ésotérisme, humour et enquête policière. À chaque page, l'érudition et la sagacité du lecteur sont sollicitées par une énigme, une allusion, un pastiche ou une citation. Le premier roman, situé en 1327, sur fond de crise politique et religieuse, d'hérésie et d'Inquisition, se déroule dans une abbaye où a lieu une série de crimes qu'un prêtre franciscain tentera d'élucider. À partir de là, trois lectures seront possibles, selon qu'on se passionnera pour l'intrigue, qu'on suivra le débat d'idées, ou qu'on s'attachera à la dimension allégorique qui présente, à travers le jeu multiple des citations, « un livre fait de livres ». L'Umberto Eco lecteur de Borges et de Thomas d'Aquin est plus que jamais présent dans ce roman qui connut un succès mondial et fut adapté en 1986 par Jean-Jacques Annaud. Le Pendule de Foucault mêle histoire et actualité à travers une investigation menée sur plusieurs siècles chez les Templiers et au sein des sectes ésotériques, tandis que L'Île du jour d'avant (1994) est une évocation de la petite noblesse terrienne du xviie siècle. Il s'agit du récit d'une éducation sentimentale, mais également, à travers une description de l'identité piémontaise, d'un roman nostalgique et en partie autobiographique : l'auteur se penche sur ses propres racines, comme il le fera dans cette manière d'autoportrait, et peut-être son livre le plus personnel, qu'est La Mystérieuse Flamme de la reine Loana (2004). Amnésique à la recherche de son passé, Yambo reconstruit son identité en s'appuyant sur ses lectures de jeunesse des années 1930, quand les romans d'aventures français et les bandes dessinées américaines croisaient la propagande fasciste. Avec Le Cimetière de Prague (2010) situé dans la seconde partie du xixe siècle, Eco imagine une trame narrative proche du roman populaire, capable d’intégrer personnages historiques et réflexion sur les sociétés secrètes qui l’ont toujours fasciné. Associé à une satire au vitriol des médias, ce thème est repris dans son dernier roman Numéro zéro (2015), cette fois à partir de l’histoire italienne qui court des années de plomb jusqu’à Tangentopoli, affaire de corruption généralisée qui éclata en 1992.

Umberto Eco est mort à Milan le 19 février 2016.

— Béatrice LAROCHE

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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Écrit par

  • : professeur agrégé, maître de conférences à l'université de Clermont-Ferrand
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Umberto Eco - crédits : Leonardo Cendamo/ Getty Images

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