UMBO OTTO UMBEHR dit (1902-1980)
Il est sans doute bien commode de distinguer, dans l'œuvre du photographe allemand Umbo, le travail de photojournaliste qui l'accapara sa vie durant de son œuvre personnelle, essentiellement celle qu'il réalisa au cours des années 1920. Mais ce serait oublier que, sous la république de Weimar, le photojournalisme naissant est encore une pratique d'avant-garde et que toute photographie appliquée, qu'elle soit publicitaire ou journalistique, répond au souci de fonctionnalité défendu par les théoriciens du Bauhaus.
Otto Umbehr, né à Dusseldorf, quitte sa famille à l'âge de quatorze ans ; il pratique divers métiers avant de s'inscrire au Bauhaus, à Weimar, où il suit, de 1921 à 1923, les cours de Johannes Itten, Paul Klee et Wassily Kandinsky. En 1924, il adopte le nom de Umbo et monte à Berlin, où il travaille comme assistant-opérateur sur le film de Walter Ruttman Berlin, symphonie d'une grande ville. Il reçoit de son père une chambre de studio, avec laquelle il tire le portrait de quelques personnalités. En 1928, Simon Guttman fonde avec lui l'agence Dephot (Deutsche Photodienst), où Umbo travaille comme photojournaliste. Première société coopérative de photographes de presse, Dephot a eu comme collaborateurs Felix H. Man, Andreas Feininger et Andreï Friedmann (le futur Robert Capa...). En 1929, Umbo participe à l'exposition Film und Foto à Stuttgart, où ses tirages sont remarqués. Après la disparition de l'agence en 1933, Umbo s'installe comme photojournaliste indépendant, statut qu'il conserve jusqu'à sa mort. De 1957 à 1974, il se consacre à l'enseignement de la photographie, notamment à Hanovre.
Umbo est surtout connu aujourd'hui pour sa participation aux mouvements d'avant-garde durant les années 1920. Il affectionne alors les cadrages désaxés, les angles de vue insolites, les violents contrastes de lumière, pratiquant une photographie aux limites de l'expressionnisme et du fantastique d'une part, de l'abstraction d'autre part. Cette œuvre-là est à l'opposé de l'inventaire froid de la quotidienneté entrepris par un Renger-Patzsch, par exemple. Umbo, au contraire, donne le champ libre à l'ambiguïté, à l'illusion et, partant, aux interprétations subjectives. Dans sa célèbre photo prise à la verticale et intitulée Rue étrange, les passants projettent de longues ombres portées qui semblent être des personnages vus, eux, à l'horizontale. Cet effet, qui implique une double lecture de l'image, ne va pas sans rappeler les jeux d'ombres si fréquents dans le cinéma expressionniste alors à son apogée. Expressionnisme est d'ailleurs le mot qui vient à l'esprit quand on contemple les portraits qu'il réalise en 1927-1929 : visages en gros plan blafards, surexposés, parfois coupés par le cadre, parfois maquillés ou cachés par un masque (Rut mit Maske, photographie présentée en 1995 à l'exposition Umbo, du Bauhaus au photojournalisme, au Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen de Dusseldorf). La physionomie s'efface, entrouvrant la porte d'un monde intérieur. L'influence du Bauhaus se manifeste dans les vues nocturnes de Berlin, dans lesquelles l'équilibre des masses d'ombres et de lumières, les reflets et les scintillements trouant l'obscurité évoquent les célèbres photogrammes de Moholy-Nagy.
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Écrit par
- Marc-Emmanuel MÉLON : professeur de communication à l'Institut supérieur des sciences sociales et pédagogiques de Marcinelle, Belgique, chargé de cours à l'université de Liège
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