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UN ATOME D'UNIVERS. LA VIE ET L'ŒUVRE DE GEORGES LEMAÎTRE (D. Lambert)

Parfois surnommé le « père du big bang », Georges Lemaître est un scientifique d'exception tant par ses travaux en cosmologie que par son état de prêtre catholique et ses prises de position originales au sujet des rapports entre la science et la religion. La biographie très documentée Un atome d'Univers (éd. Lessius, Bruxelles, 2011) que lui consacre Dominique Lambert, docteur en physique et en philosophie et professeur à l'université de Namur, met en lumière les nombreux aspects de son œuvre.

Georges Lemaître naît le 17 juillet 1894 à Charleroi dans une famille aisée et suit une scolarité conventionnelle pour les jeunes de son milieu social, ce qui le conduit à l'école des ingénieurs de Louvain. Il poursuit alors un double cursus universitaire, le premier en mathématiques, mécanique et physique afin de se préparer au grade d'ingénieur des mines, le second en philosophie thomiste. Ces études sont interrompues en août 1914 lorsque Lemaître rejoint le 5e corps de volontaires qui participent comme fantassins dès octobre à la tristement célèbre bataille de l'Yser. Muté dans l'artillerie, il termine la guerre au grade d'adjudant et reprend en janvier 1919 le chemin de l'université pour obtenir un doctorat en sciences physiques et mathématiques.

Sa thèse de fin d'études développe les méthodes d'approximation des fonctions de plusieurs variables qu'avait initiées son directeur de thèse, le mathématicien Charles de la Vallée Poussin. De 1920 à 1923, il suit les cours de théologie au séminaire de Malines pour être ordonné prêtre. Afin de recevoir une bourse de voyage, il rédige un mémoire intitulé La Physique d'Einstein où il expose une synthèse personnelle de la théorie de la relativité restreinte et générale. Il bénéficie du soutien d'une fondation américaine pour passer deux années fructueuses en Grande-Bretagne, au Canada puis aux États-Unis. À Cambridge (Grande-Bretagne), il profite des cours de l'astronome Arthur Eddington et oriente ses recherches vers la compréhension des données cosmologiques. Il s'inscrit comme étudiant au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (États-Unis). La thèse de doctorat, dont il écrit la plus grande partie en 1925, ne sera acceptée qu'un an plus tard et il recevra son Ph.D en juillet 1927, alors qu'il enseigne depuis près de deux ans à l'université de Louvain la mécanique et la relativité tout en assurant ses charges de prêtre de l'Église catholique.

Les années 1927-1931 sont cruciales pour la cosmologie relativiste. Deux solutions – celle d'Einstein d'un Univers statique et celle de Willem De Sitter d'un Univers vide quasi euclidien – s'opposent alors, mais aucune ne rend compte du décalage vers le rouge des nébuleuses extra-galactiques, un fait de plus en plus avéré par des observations astronomiques toujours plus précises. Dans un article titré « Un Univers homogène de masse constante et de rayon croissant », Lemaître résout en 1927 les équations d'Einstein en supposant que le rayon de l'Univers varie avec le temps. Il obtient un espace qui gonfle de manière exponentielle avec le temps ; à l'infini dans le passé, l'espace prend la forme de la solution d'Einstein ; à l'infini futur, il ressemble à celle de De Sitter. La lumière émise par une source lointaine subit nécessairement un décalage vers le rouge, selon une loi qui préfigure la loi que Hubble écrira en 1929. À la fin de cet article profondément novateur, la cause de l'expansion est attribuée à la pression de radiation et une interprétation thermodynamique de l'expansion est esquissée ; ces concepts se révéleront très importants. Ce travail ne déchaîne pas l'enthousiasme des experts. De passage en Belgique à l'automne 1927, Einstein confie à Lemaître que, du point de vue physique, cette description lui paraît « tout à fait abominable[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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