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UN LIEU À SOI, Virginia Woolf Fiche de lecture

«  Toutes ces vies infiniment obscures, il reste à les enregistrer… »

Dans un deuxième temps, Virginia Woolf réclame le droit à l'éducation des femmes, le droit à la liberté et l'égalité ainsi que celui à de meilleures conditions matérielles qui passent avant tout par l'accès à un lieu à soi, un espace privé qui permette la création. Ces revendications ayant trait à la reconnaissance des droits des femmes s'inscrivent dans la tradition des écrits de Mary Wollstonecraft et font écho à d'autres écrits des années 1920 et 1930 comme The Cause de Ray Strachey (1928). En insistant sur la nécessaire reconnaissance des femmes écrivaines et en déplorant leur absence de l'histoire de la littérature, Virginia Woolf crée une nouvelle forme d'histoire littéraire où des femmes comme Dorothy Osborne, Margaret Cavendish ou Aphra Behn trouvent leur place. Tout en appelant de ses vœux une nouvelle sorte de fiction où figurerait l'ordinaire – les femmes ordinaires, les « vies obscures », les tâches, les gestes et les mots du quotidien –, elle la met en pratique. Cette forme à venir qui briserait la séquence narrative et le phrasé conventionnel, qui transgresserait les limites des genres littéraires et émanerait d'une voix à la fois impersonnelle et androgyne (ce qu’elle appelle, en se référant au poète romantique Samuel Taylor Coleridge, le « masculin-féminin »), c'est celle qu’Un lieu à soi donne à lire.

Cet essai qui pourrait se comprendre comme un manifeste féministe est aussi, et avant tout, un manifeste esthétique qui oscille entre non-fiction et fiction, théorie et mise en pratique de cette théorie. Le ton est enjoué, le style alerte et métaphorique, le propos incisif et ironique. Par sa richesse, sa complexité et ses ambiguïtés, Un lieu à soi a marqué son époque et continue de vivre à travers ses rééditions – souvent couplées avec l’essai de 1938, Trois Guinées –, ses traductions et ses multiples adaptations dans les œuvres d'écrivains et d'artistes comme Alice Walker (In Search of Our Mothers’ Gardens: Womanist Prose, 1983)ou Kabe Wilson (Of One Woman or So, by Olivia N’Gowfri, 2014).

— Christine REYNIER

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Écrit par

  • : professeure des Universités, docteure en littérature britannique, agrégée d'anglais

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Autres références

  • WOOLF VIRGINIA (1882-1941)

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    • 4 211 mots
    • 4 médias
    ...siècles qu’il traverse. Cette biographie fictionnelle de Vita Sackville-West, que l’écrivaine rencontra en 1922 et qui fut un temps son amante, sera suivie par l’essai A Room of One’sOwn (1929, Un lieu à soi, ou Une chambre à soi dans la traduction de Clara Malraux), dans lequel Woolf dénonce l’inégalité...