UNE HISTOIRE MONÉTAIRE DES ÉTATS-UNIS, 1867-1960, Milton Friedman et Anna Schwartz Fiche de lecture
Lorsque paraît, en 1963, Une histoire monétaire des États-Unis, 1867-1960, sous la plume de Milton Friedman et d'Anna Schwartz, le monde de la pensée économique est dominé par le keynésianisme. Le but du livre est de se démarquer de ce mode de pensée dominant.
La remise en cause des relances keynésiennes
Le livre combine approche théorique et travail statistique, pour démontrer l'inefficacité des politiques de relance keynésiennes. Celles-ci reposent sur l'idée qu'en période de sous-emploi les prix sont rigides et que toute augmentation de la demande, qui se traduit par une augmentation de la capacité de dépense et donc de la masse monétaire, induit une augmentation de la production. Pour Friedman, cette idée est fausse et il se fait fort d'établir que ce genre d'approche débouche inéluctablement sur de l'inflation.
Par-delà, le but du livre est de démontrer qu'un des objets de la politique économique est de gérer la quantité de monnaie sans évolutions brutales qui ne peuvent entraîner qu'inflation ou déflation. Pour ce faire, les auteurs s'appuient sur l'équation quantitative de la monnaie dans sa version la plus connue, telle qu'elle est formulée dès le xvie siècle par Jean Bodin et exprimée mathématiquement par Irving Fischer, sous la forme MV = pT, où M représente la masse monétaire, V la vitesse de circulation de la monnaie, p le niveau des prix et T le volume des transactions.
Milton Friedman et Anna Schwartz commencent par étudier la vitesse de circulation de la monnaie généralement considérée comme constante. Analysant les séries de masse monétaire américaine depuis la fin de la guerre de Sécession, ils arrivent à une double conclusion. En premier lieu, leurs calculs montrent que la vitesse de circulation de la monnaie évolue et qu'elle a tendance sur le long terme à diminuer. La monnaie est en quelque sorte un bien de luxe que les agents économiques accumulent au fur et à mesure que leur revenu augmente. Plus une société est riche et plus elle a tendance à thésauriser : une augmentation de 10 p. 100 du revenu implique une augmentation de 18 p. 100 de la masse monétaire. En second lieu, cette tendance de long terme doit être affinée pour le court terme. En phase d'expansion rapide, le besoin de moyens de paiement crée une tension qui conduit à une évolution inverse de la tendance de long terme : la vitesse de circulation de la monnaie se met d'abord à augmenter, avant de retrouver sa tendance de long terme. Ce retournement se fait à l'occasion des récessions. Le paramètre explicatif essentiel de la demande de monnaie par les agents est donc le revenu.
Friedman en tire la conclusion que si la politique monétaire cherche à modifier la donne économique par des modifications brutales des taux d'intérêt, elle n'aura pas d'impact sur le revenu global mais en aura un sur les prix. Le volontarisme monétaire est pour lui synonyme d'inflation ou de déflation. Cela le conduit à refuser les politiques de relance par la création monétaire tout autant que l'attitude de réduction de la masse monétaire adoptée par la Réserve fédérale américaine lors de la crise de 1929. Friedman et Schwartz lisent ainsi dans l'histoire monétaire des États-Unis la nécessité de mener une politique monétaire la plus stable et la plus régulière possible.
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
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