UNE ODYSSÉE (D. Mendelsohn) Fiche de lecture
Découvert avec Les Disparus, prix Médicis 2007, Daniel Mendelsohn propose avec Une odyssée. Un père, un fils, une épopée(traduit de l’anglais par Clotilde Meyer et Isabelle T. Taudière, Flammarion, 2017) une nouvelle plongée dans la mémoire. Professeur de littérature classique au Bard College, dans l’État de New York, l’auteur donne un cours sur le récit d’Homère. Face à lui, des étudiants de vingt ans, non spécialistes du grec ancien, mais souvent curieux et d’une aimable désinvolture.
À leur groupe s’est joint un homme de quatre-vingt-un ans, Jay Mendelsohn, le père de l’auteur, qui a décidé de renouer avec les lettres classiques. Il est mathématicien de formation, tout de retenue et de rigueur. Il ne cache pas son opinion sur le récit homérique et sur son héros, Ulysse, qu’il n’aime pas. Il déstabilise son fils qui l’a toutefois accueilli dans le séminaire, au risque de la perturbation. La relation père-fils, qui est au cœur de L’Odyssée, à travers Ulysse et Télémaque, l’est aussi dans ce récit.
Une épopée dédoublée
Le mot « épopée » peut se lire ici de multiples façons. Il renvoie bien sûr à l’œuvre étudiée, à sa structure, à ce qu’elle nous apprend du récit et de ses formes, en général ; il évoque également ce que vivent père et fils à l’issue de ce séminaire qui dure seize semaines : Daniel et Jay partent en croisière sur les traces d’Ulysse. Ce voyage sera le dernier qu’ils feront ensemble : la mort de Jay, un an après le séminaire, sera la conclusion du livre. S’ils n’auront pas la chance de rejoindre la demeure d’Ulysse, la lecture du poème « Ithaque » de Constantin Cavafy (1863-1933) que fait Daniel Mendelsohn est un beau moment qui unit les deux hommes, longtemps éloignés l’un de l’autre.
Une odyssée est donc un récit multiple, chatoyant, qui fait écho aux Disparus. En effet, l’un des personnages centraux du récit était le grand-père maternel, prolixe raconteur et parfois affabulateur, comme Ulysse. Le portrait de cet homme vif et joyeux faisait écho à ceux des membres de la famille sur lesquels enquêtait le narrateur. Dans Une odyssée, l’homme que l’on découvre n’est plus celui qui se dévoile, ou celui qui apparaît au terme du récit. On le pense bougon, on le sait féru de précision et on croit au récit qu’il fait de son enfance dans le Bronx, même si des zones d’ombre subsistent. Or les recherches du narrateur, les rencontres qu’il fait avec des amis ou proches du père vont venir corriger profondément cette image.
Une odyssée est aussi l’image inversée des Disparus : danscerécit sur des membres de sa famille assassinéspendant la Shoah, le narrateur commençait par raconter son enfance new-yorkaise. Une ressemblance que ses oncles et tantes lui trouvaient avec le grand-oncle d’Ukraine le lançait dans une enquête à travers le monde. Il se rendait dans une douzaine de pays pour retrouver les témoins, pour apprendre qui étaient cet oncle Shmiel et les siens. Le séminaire sur L’Odyssée se prolonge dans la croisière en Méditerranée et se termine à New York, dans le cadre familial et la chambre d’hôpital où meurt Jay.
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Écrit par
- Norbert CZARNY : professeur agrégé de lettres modernes
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