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UNGERER JEAN THOMAS dit TOMI (1931-2019)

La conquête de New York

À Strasbourg, Tomi Ungerer fréquente le Centre culturel américain, où il peut apprécier les dessins de Saul Steinberg et de James Thurber, dont l'influence en France depuis 1945 révolutionne justement l'expression de l'humour graphique avec des gags essentiellement visuels. En 1956, l'artiste gagne l'eldorado que représentent les États-Unis et s'installe à New York un an plus tard. Commence alors pour lui une période de fulgurante célébrité. De 1957 à 1974, les albums pour les enfants contribuent à ses premiers succès, avec la série The Mellops (de 1957 à 1963), puis des histoires d'animaux aux qualités étonnantes et incongrues, tel le boa Crictor(1958), le poulpe Émile (1960) ou le vautour Orlando (1966), traduits et diffusés par l’École des loisirs en 1978. Parallèlement, il illustre avec William Cole des poèmes dans la pure tradition du non-sens anglo-saxon (Oh, What Nonsense, 1966). Avec Die dreiRäuber (Les Trois Brigands, publié à Munich en 1961, à New York en 1962, à Zurich en 1963 et enfin à Paris en 1968), Tomi Ungerer gagne une reconnaissance qui l’installe en France comme auteur pour les enfants. Cet album emblématique, adapté en film d’animation en 2007 par Hayo Freitag, a reçu le prix du public au festival international du film d’animation d’Annecy en 2008. Moon Man (1966), publié en français en 1969 sous le titre de Jean de la Lune (et porté à l’écran en film d’animation en 2012) évoque en filigrane une situation devenue critique pour l’artiste : figure contestée aux États-Unis en raison de ses créations parallèles politiques mais aussi érotiques, il voit ses livres pour les enfants interdits dans les bibliothèques. Provocateur jusqu’au bout de la « bien-pensance » attendue du genre, Tomi Ungerer règle également ses comptes avec son enfance dans No Kiss for Mother (1973), comme avec la société américaine dans Allumette (1974). De nombreuses créations font écho à l'effervescence politique, économique et culturelle de l'Amérique dans ces années de contre-culture triomphante. Plus ouvertement, une satire virulente de la société américaine puritaine et arrogante explose dans ses caricatures (dans The Underground Sketchbook en 1964, puis dans The Party en 1966, réédité en 2018 par les Cahiers dessinés, et Fornicon en 1969). Insupportables aux Américains, ces caricatures trouveront leur meilleur public en Allemagne grâce aux éditions Diogenes. Avec les affiches et les créations publicitaires dans une métropole dont c'est l'âge d'or, l'artiste donne sa pleine mesure graphique (The Poster Art of Tomi Ungerer, 1971). Une veine qu'il poursuivra plus tard en Allemagne avec le publiciste Robert Pütz (Abracadabra, 1979) et une récapitulation dans Poster (1994).

Sans renoncer à sa critique de la société de consommation, Ungerer exploite l'insolite (campagnes pour The New York Times, 1960) et en popularise le goût (Expect the Unexpectable[Attendez-vous à l'inattendu], pour l'hebdomadaire The Village Voice, 1965). Cette inspiration se retrouve dans des collages particulièrement inventifs (Horrible, 1960). Outre les affiches publicitaires, Tomi Ungerer dessine à la fin des années 1960 des affiches politiques contre le racisme et contre la guerre au Vietnam d'une rare efficacité, comme White Power-Black Power (1967), une affiche composée en motif de carte à jouer où une figure d'homme blanc mange le pied d'un homme noir qui lui rend la pareille.

Devenu indésirable à New York, il émigre en 1971 avec sa femme dans une ferme en Nouvelle-Écosse, au Canada. En 1976 il s’installe à Cork, en Irlande, où il fonde sa famille tout en conservant des attaches avec l’Alsace et en particulier Strasbourg. Séduit par l’île verte et ses habitants, il la donne pour cadre au Maître des brumes (2013),[...]

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Tomi Ungerer - crédits : Ulf Andersen/ Hulton Archive/ Getty Images

Tomi Ungerer

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