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UNGERER JEAN THOMAS dit TOMI (1931-2019)

Subversion et nostalgie

Regroupant des dessins érotiques réalisés entre 1968 et 1975, Totempole (1976) exprime l'inspiration obsédante d'une jouissance sexuelle fondée sur la transgression ; une veine qui se poursuit avec Schutzengel der Hölle (1986), traduit en français sous le titre SM en 2000, puis Erotoscope (2001). La mort n'est pas moins présente dans l’ensemble de ses dessins : danse macabre avec RigorMortis (1983) ou évocation biblique désespérée dans Slow Agony (1983). À distance du Nouveau Monde, Tomi Ungerer reprend peu à peu possession de sa mémoire alsacienne. Il illustre un recueil de chansons populaires allemandes, Das grosse Liederbuch (1975), diffusé à plus d'un million d'exemplaires. Au-delà de l’immense succès, ce livre montre un vibrant souci de rendre justice à sa culture rhénane ; il devient le militant d'une région à vocation européenne pour favoriser les échanges culturels franco-allemands. Différentes distinctions honorifiques allemandes, françaises ou suisses viennent saluer ces actions.

En 1981, une exposition organisée au musée des Arts décoratifs de Paris regroupe les différentes facettes de son œuvre. Avec des moyens différents, des créations pour enfants aux œuvres à l'érotisme exacerbé, il s'agit toujours d'exorciser l'angoisse inextinguible de l'enfant confronté à un univers monstrueux et fascinant, des images du retable d'Issenheim découvert dans son enfance à Colmar, ou des bombardements, dont l'horreur reste d'actualité.

Après deux décennies d’abandon, Tomi Ungerer s'adresse de nouveau aux enfants avec Flix(1997) et Trémolo (1998), des héros d’une généreuse innocence qui révolutionnent les mœurs. Le prix Hans-Christian-Andersen – la plus haute distinction du livre pour la jeunesse – lui est attribué pour l'ensemble de son œuvre en 1998. Viennent ensuite Otto (1999), Le Nuage bleu (2000), Amis-Amies (2007) et Zloty (2009), comme autant de fables à la portée humaniste. Ces ouvrages lui valent d'être nommé Ambassadeur pour l'enfance et l'éducation par le Conseil de l'Europe (2000). En 2002, De père en fils renoue avec son approche autobiographique, entrelaçant la mémoire de son père à la sienne.

À l'occasion de ses soixante-dix ans, le musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg a exposé ses productions des années new-yorkaises (1956-1971), années déterminantes durant lesquelles s'est forgée l'image publique de l'artiste. Pour la première fois en 2001, son œuvre est exposée à Tōkyō, une consécration précédée d'autres hommages tels que le grand prix national des arts graphiques (1995), le prix européen de la Culture (1999). Suivent les titres de commandeur de l’Ordre national du mérite (2013) et les insignes d'officier puis de commandeur de la Légion d'honneur (2001, 2018). Les distinctions sont également nombreuses en Allemagne : le prix Erich-Kästner (2003), le prix E.O. Plauen (2005), le titre de docteur honoris causa de l'université de Karlsruhe (2004). Depuis 2007, la ville de Strasbourg possède un musée Tomi-Ungerer - Centre international de l'illustration, où peuvent être consultées les archives de l'artiste ayant fait l’objet d’une donation, dont quatorze mille dessins originaux (1975-2008), une collection de mille cinq cents jouets (1975-1991) et sa bibliothèque personnelle. L'élargissement du musée à l'illustration, notamment satirique et humoristique, est une ambitieuse première en France.

Dans les dernières années de sa vie, toujours créatif, Tomi Ungerer s’adonne aux collages, aux photomontages, à la sculpture et à l’écriture, jusqu’à sa mort le 9 février 2019 à Cork (Irlande). On retiendra de l’homme, adepte des formules frappantes, Copedon’thope (« Affrontez les situations,[...]

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Tomi Ungerer - crédits : Ulf Andersen/ Hulton Archive/ Getty Images

Tomi Ungerer

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