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UNIFORMITARISME

Critique du principe uniformitariste

Le principe uniformitariste n'a plus aucune signification à l'heure actuelle puisqu'il consiste, en affirmant la permanence des causes, à nier l'évolution.

Aucun scientifique ne peut douter que la Terre évolue. Elle le fait, en tant que partie du système solaire, en obéissant au principe physique fondamental de la conservation de l'énergie avec une dégradation inexorable de celle-ci : dans tout système fermé l'entropie augmente. Mais si le système solaire peut être, en gros, considéré comme un système thermodynamique fermé, il n'en est pas ainsi pour ses éléments, et singulièrement pour la Terre. Sur celle-ci s'est produit un événement essentiel qui fut la naissance de la vie, il y a presque quatre milliards d'années. La biosphère signale pour sa part son évolution constante vers des structures de plus en plus complexes : elle constitue un système ouvert où l'entropie diminue en freinant la péjoration énergétique de l'ensemble du système solaire. À ce tournant de l'histoire du globe, la vie s'introduit comme une cause nouvelle, inhibitrice de l'évolution minérale antérieure. Beaucoup plus tard, il y a seulement quatre millions d'années, un autre tournant fut balisé par l'apparition de l'homme et, avec celui-ci, de la pensée, autre cause nouvelle, combien prodigieuse mais combien dangereuse pour la vie elle-même.

La même inadéquation entre le principe d'uniformité et la réalité se retrouve à toutes les échelles. En voici quelques exemples :

– Le Soleil émet des rayons ultraviolets durs qui sont bloqués dans la haute atmosphère par une couche d'ozone qu'ils fabriquent eux-mêmes à partir de l'oxygène. Ce rayonnement serait fatal à la biosphère actuelle, mais c'est lui qui est considéré comme le facteur le plus probable de la genèse des structures qui sont à l'origine des lignées futures de toute la biosphère : en modifiant l'atmosphère terrestre (apparition d'oxygène libre), ces structures se trouvèrent préservées de l'action nocive des ultraviolets durs, ce qui autorisa la conquête des continents par la biosphère.

– Le gel est un processus physique simple, mais une intelligence humaine replacée à une époque chaude comme le Trias n'aurait pu le découvrir que par l'expérience ou, au mieux, n'observer que ses conséquences élémentaires (gélifraction ou solifluxion) : comment imaginer dans ces conditions la possibilité de glaciations qui sont pour nous presque banales, grâce au modèle actuel des calottes glaciaires et aux témoins évidents, parce que récents, de leurs vastes extensions pendant le Quaternaire ? C'est là l'exemple de processus dont les manifestations sont exceptionnelles. Certains peuvent avoir complètement échappé à l'investigation humaine dans la mesure où ils sont rares et où les témoins de leur action lointaine sont restés indéchiffrables. Par ailleurs, les fonds océaniques ont dévoilé la réalité des inversions du dipôle magnétique terrestre, mais on ne connaît pas le temps nécessaire à une inversion, ce qui n'autorise pas à imaginer les conséquences de cette cause.

Tout change, et il n'est plus possible de postuler la permanence des causes : certaines évoluent continuellement dans le même sens, d'autres apparaissent, d'autres encore disparaissent, beaucoup varient rythmiquement avec des paroxysmes qui seront d'autant plus catastrophiques qu'ils seront plus brefs.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, directeur du laboratoire de géologie de l'École normale supérieure de Paris

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