UNION EUROPÉENNE (HISTOIRE DE L')
Pluralité des États membres et de leurs relations à l’UE
Au sein de l’UE, les intentions des États et des peuples par rapport à leur participation à la construction européenne sont variées (Bruneteau, 2008). Certains, dans une logique utilitaire, souhaitent avant tout participer à la prospérité communautaire et garantir la paix grâce à une coopération avec leurs voisins. D’autres, plus ambitieux, considèrent que l’Union est porteuse d’un projet de civilisation progressiste ou qu’elle est susceptible de devenir une puissance sur la scène internationale. Yves Bertoncini et Thierry Chopin distinguent ainsi à ce propos quatre chemins nationaux (Bertoncini-Chopin, 2012) : certains États soutiennent la construction européenne dans une logique de rédemption (l’Allemagne, pour se réinventer après les crimes de la période nazie), de projection (la France, utilisant l’Europe pour renforcer son influence mondiale), de sublimation (les anciennes dictatures se réinventant) ou simplement dans une logique d’optimisation (le Royaume-Uni et la Scandinavie). Cette pluralité de conceptions de l’Europe se retrouve tant parmi les soutiens à l’UE que parmi ses détracteurs.
Des soutiens de l’Union disparates
Ces clivages se retrouvent souvent au sein des États. Ainsi, le Français Robert Schuman était avant tout motivé par la sécurité de la France et la consolidation de la paix, ce qui imposait la création d’institutions nouvelles et fortes. Il partageait cette conviction avec d’autres démocrates-chrétiens qui créèrent avec lui la CECA, particulièrement Konrad Adenauer en Allemagne et Alcide De Gasperi en Italie. Cela ne signifie pas que ces dirigeants oubliaient d’autres intérêts nationaux : Adenauer et Schuman s’opposèrent profondément à propos de la Sarre, que la France voulait annexer ou au moins détacher de l’Allemagne, le référendum de 1955 donnant finalement une claire majorité au rattachement à l’Allemagne. Schuman résista également longtemps à la réindustrialisation et au réarmement allemands, avant qu’il ne soit obligé de céder aux pressions des États-Unis et aux impératifs de la guerre froide. La vision du commissaire général au Plan Jean Monnet était plus fédéraliste et économique : chargé de la coopération économique entre la France et les alliés anglo-saxons pendant les deux guerres mondiales, il jugeait indispensable de mettre en commun certaines compétences nationales pour garantir la paix et réguler l’économie le plus efficacement possible (Roussel, 1996). Il n’oubliait pas ainsi les intérêts de la France, ceux-ci se conjuguant à ses yeux avec ceux de l’Europe : la CECA permettrait à la France, qui en manquait, d’obtenir du charbon à meilleur prix et de renforcer sa sidérurgie (pour produire du fer ou de l’acier dans les hauts-fourneaux, un charbon de bonne qualité doit être mélangé au minerai de fer), à un moment où la production ouest-allemande d’acier était en train de dépasser celle de l’Hexagone.
La construction européenne a également reçu le soutien du général de Gaulle, mais celui-ci en rejetait la dimension fédérale. Ainsi, s’il s’est constamment montré favorable à l’organisation du continent européen, il critiqua vivement la CECA et s’opposa surtout au projet de Communauté européenne de défense (CED) de 1952, qui prévoyait d’unifier les armées des six membres de la CECA (dont l’Allemagne) tout en les intégrant à l’OTAN. La ratification par la France du traité instaurant la CED fut rejetée par l’Assemblée nationale en 1954. En revanche, lorsqu’il revint au pouvoir en 1958, Charles de Gaulle entérina l’adhésion de son pays au traité de Rome de 1957 instituant la CEE car il la considérait comme un utile « traité de commerce » (Warlouzet, 2022). La CEE était non seulement fondée sur le libre-échange, ce qui devait dynamiser un patronat dont de Gaulle critiquait[...]
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Écrit par
- Laurent WARLOUZET : professeur d’histoire à Sorbonne Université, chaire d'histoire de l'Europe
Classification
Médias
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