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UNIVERS SANS LIMITES (J. Goimard)

La collaboration de Jacques Goimard à de nombreuses publications tant littéraires que cinématographiques, les séminaires qu'il a pu diriger à Paris-VII, enfin son travail comme directeur de collection chez Presses Pocket lui ont permis d'être un observateur privilégié de ces domaines mal connus et si galvaudés qu'ont longtemps été la science-fiction, le merveilleux, le fantastique, ou encore de ces genres « maudits » du cinéma que sont, par exemple, les péplums ou les séries Z.

Avec Univers sans limites, un opus magnum en quatre tomes (Presses Pocket, 2002-2004), Jacques Goimard nous propose donc une somme critique, ou plutôt un monument de réflexion sur la critique des genres. Introduit à chaque fois par un préfacier différent – Jean-Pierre Dionnet pour Critique de la science-fiction, Tonino Benacquista pour Critique du fantastique et de l'insolite, Philippe Manœuvre pour Critique du merveilleux et de la fantasy, Jean-Yves Tadié pour Critique des genres, chaque volume est accompagné d'index détaillés, certains recensant les personnes et les personnages, d'autres les titres d'œuvres, d'autres encore les notions et les thèmes. Le dernier tome se conclut avec une présentation de l'ensemble de la bibliographie de Jacques Goimard.

Univers sans limites représente le bilan des recherches de toute une vie. On se perd parfois avec plaisir dans les méandres d'une pensée qui se nourrit non pas de récits canoniques et ressassés, mais de romans et de nouvelles que Jacques Goimard, en même temps qu'il contribuait à les publier, a analysés, sans autre outil que son flair et son empathie, puisqu'il n'existait guère de véritable bibliographie ni d'instruments critiques concernant ces œuvres.

Outre ce travail de défrichage indispensable, Goimard anthologiste et directeur de collection réunit ici un ensemble de préfaces qui sont de véritables « compagnons » des œuvres qu'il a éditées. C'est le cas avec les « classiques de la science-fiction » que sont les ouvrages de Robert Heinlein, Isaac Asimov ou Philip K. Dick. C'est plus sensible encore devant le travail de bénédictin qu'il entreprend à propos de la saga de Dune de Frank Herbert ou de l'univers de Cordwainer Smith.

Son abord du fantastique et de l'insolite s'appuie, lui, sur une analyse théorique préexistante. En effet, il existe depuis 1970 un ouvrage qui, à divers titres, est considéré comme un repère indispensable. Il s'agit de l'ouvrage de Tzvetan Todorov Introduction à la littérature fantastique. Et l'une des meilleures déconstructions critiques qu'on peut en lire est celle que Jacques Goimard fit paraître dans la revue Écran, en 1973. Non seulement les hypothèses de Todorov sont testées, mais elles sont approfondies. En se référant à un corpus bien plus étendu, Goimard aboutit à une présentation du genre extrêmement séduisante, qui se trouve ici placée en introduction de cette Critique du fantastique et de l'insolite, où il prolonge dans le même temps les intuitions récentes de Denis Mellier et de Gwenhaël Ponnau. Pour en arriver à ce point, il lui aura été nécessaire de se colleter avec les préfaces de La Grande Anthologie du fantastique, parue chez Presses Pocket en 1997. Ces analyses thématiques ont nourri une réflexion originale à partir des thèmes classiques du double ou du fantôme, mais aussi tournée vers l'imaginaire du délire ou des aberrations. Réflexions appuyées, là encore, sur des lectures de textes de tout pays, même si le domaine anglo-saxon demeure le plus exploité. De plus, Jacques Goimard étudie avec perspicacité non seulement les œuvres canoniques qui ont pu fonder le fantastique, mais aussi les récits modernes où les effets propres au genre entrent en relation avec l'humour, le grotesque, ou présentent des « marges frontières » qui permettent de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université d'Aix-Marseille-I

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