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URBANISME GRÉCO-ROMAIN

Centres modestes d'unités politiques parfois petites mais toutes farouchement attachées à leur autonomie, capitales fastueuses et turbulentes de monarchies rivales ou métropole gloutonne d'un monde méditerranéen enfin unifié, à toutes les étapes de l'histoire du monde gréco-romain, on trouve ce même moteur : la ville, avec une différenciation plus ou moins marquée des fonctions – politique, commerciale, intellectuelle et artistique – qui s'y constituent par stimulation réciproque. Sans la pulsation des villes, accumulant et distribuant incessamment hommes, marchandises et idées, ni l'hellénisme ni la romanité n'auraient pu se diffuser si loin de leurs foyers primitifs, ni s'enraciner assez profondément pour résister souvent à toutes les vicissitudes ultérieures.

La formation des premiers centres urbains est, comme toute origine, mystérieuse. Par-delà les rationalisations tardives qui font intervenir un héros fondateur protégé par les dieux (Thésée à Athènes, Romulus à Rome), l'apparition d'une agglomération est liée à un site privilégié (sources, terres arables, position stratégique, passage d'un fleuve, etc.) qui suscite la réunion (synœcisme) de groupes jusque-là dispersés. Cette urbanisation primitive ne donne lieu à aucun urbanisme ; la ville se développe spontanément autour de deux pôles : un réduit défensif escarpé où sont installées les divinités protectrices et un terrain vague où se tiennent marchés et réunions politiques (à Athènes, l'Acropole et l'Agora ; à Rome, le Capitole et le Forum).

Face à ce développement organique où les accidents du terrain et de l'histoire ont le premier rôle, apparaît très tôt, dès le viiie siècle av. J.-C., en Grèce et en Étrurie, l'urbanisme proprement dit, c'est-à-dire l'aménagement rationnel de l'espace à urbaniser. Aussi bien en Grèce qu'en Italie, la colonisation, c'est-à-dire la transplantation d'une partie de la communauté civique, est d'emblée un phénomène urbain. En Grèce, les mobiles de la colonisation sont surtout sociaux et commerciaux : la colonie de peuplement (apoikia) reçoit le trop-plein d'une population privée de terres en métropole, tandis que le comptoir (emporion) est un point d'échange avec les indigènes. Dans les deux cas, le choix du site est commandé par les nécessités de tout habitat grec : mouillage abrité, eau potable, position défensive naturelle, terres arables à proximité. Les fouilles faites dans les colonies grecques de mer Noire, de Sicile et d'Italie du Sud montrent que l'on procédait, simultanément ou successivement suivant les circonstances locales et la vocation de la colonie, à un double lotissement, chaque colon recevant une parcelle de terres arables et une parcelle urbaine pour y construire sa maison. Celles-ci, généralement oblongues, encloses et délimitées par un réseau de rues le plus souvent orthogonal, ne sont pas entièrement occupées par l'habitat, du moins au début : si la trame est d'emblée mise en place, avec des emplacements réservés à l'agora et aux sanctuaires, le tissu urbain reste longtemps lâche.

C'est en systématisant ce découpage régulier du sol, expérimenté empiriquement lors de la colonisation archaïque, que le premier urbaniste connu, Hippodamos de Milet, auteur des plans directeurs de Milet et du Pirée, a crée l'urbanisme fonctionnel au début du ve siècle av. J.-C. Le module de base constitué par l'îlot (insula), plus massif que les longues parcelles des colonies, détermine un réseau sans axe privilégié, où certaines zones sont d’emblée réservées aux activités religieuses, civiques et commerciales. La nouveauté n'est pas tant dans la division fonctionnelle du terrain que dans le caractère spéculatif et projectif de la démarche, qui anticipe[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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