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URBANISME Théories et réalisations

Généalogie

Il est, tout d'abord, remarquable qu'avant la Renaissance italienne on ne trouve aucune société où la production de l'espace bâti relève d'une discipline spécifique et autonome. Certes, il existe souvent des manuels techniques qui livrent des savoir-faire (par exemple, dans la société romaine, les manuels d'arpentage ou les ouvrages consacrés à la distribution de l'eau), mais ils ne concernent pas la conception ni l'organisation morphologique globale de la ville. Tantôt celle-ci résulte directement du fonctionnement d'un ensemble de pratiques sociales (religieuse, juridique, économique, etc.) dont la permanence historique a pour effet de constituer des types, reproduits au fil du temps (villes de l'Islam et de l'Occident médiéval, par exemple). Tantôt elle est prescrite par des textes d'origine sacrée, qui en font l'expression d'une cosmologie (Chine ancienne). Tantôt encore, des types urbains sont délibérément reproduits au cours d'un processus d'essaimage ou de colonisation (Grèce, Rome). Enfin, dans toutes les civilisations, il arrive que des plans originaux soient conçus à des fins précises, par la volonté du prince (Bagdad).

Les traités d'architecture et l'art urbain

Dans le cadre de la révolution culturelle du Quattrocento, L. B. Alberti fait, pour la première fois, de l'édification une discipline libérale, théorique et autonome. Loin d'être limitée à la construction de bâtiments, elle a pour fin de concevoir, de structurer et d'édifier l'ensemble du cadre de vie des humains, depuis le paysage rural, les routes et les ports jusqu'à la ville, ses édifices publics et privés, ses places, ses jardins. Le De re aedificatoria (traité offert au pape Nicolas V en 1452 et publié en 1485) élabore rationnellement, à partir d'un petit nombre de principes et d'axiomes, un ensemble de règles devant permettre l'édification de tout projet d'espace imaginable et réalisable. Selon le plus célèbre des axiomes albertiens, l'édification doit satisfaire trois registres hiérarchisés et indissociables. La nécessité (necessitas) régit la construction et concerne ce que nous appelons aujourd'hui les lois de la physique appliquée. La commodité (commoditas) commande d'intégrer la demande des clients dans ce que nous appelons un programme et fait de l'édification une activité duelle, passant nécessairement par un dialogue. Enfin, le plaisir esthétique (voluptas), finalité suprême de l'édification, est satisfait par l'application des règles de la beauté.

Bien qu'Alberti appartienne aux temps pré-industriels et même pré-galiléens, l'ambition et l'ampleur de sa démarche anticipent celles de l'urbanisme. L'originalité de De re aedificatoria réside néanmoins dans sa méthode générative. Ce texte instaurateur sera le paradigme d'une longue lignée de traités d' architecture, exclusivement italiens jusqu'au milieu du xvie siècle, puis européens, qui se succéderont jusqu'au xixe siècle.

Toutefois, il était trop tôt pour qu'une discipline unique puisse l'emporter sur la tradition et sur les multiples pouvoirs engagés dans la production de l'espace bâti. En outre, à quelques exceptions près (Scamozzi, Patte), les auteurs de traités, successeurs d'Alberti, privilégient le registre de la beauté au détriment des deux autres. Leurs ouvrages traitent essentiellement l'architecture et la ville du point de vue de l'art. Cette réduction justifie la dénomination d'« art urbain » proposée par Pierre Lavedan pour subsumer l'ensemble des compositions urbaines réalisées depuis la fin du xve siècle jusqu'au milieu du xixe siècle, selon les principes de l'esthétique classique, baroque et néo-classique.[...]

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Le Panopticon de Jeremy Bentham - crédits : d'après Jeremy Bentham, The works of Jeremy Bentham vol. IV, 172-3

Le Panopticon de Jeremy Bentham

Brasília - crédits : Atlantide Phototravel/ Corbis/ Getty Images

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