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URBANISME Théories et réalisations

L'urbanisme comme discipline théorique et appliquée

Vers le milieu du xixe siècle, une partie des grandes villes européennes apparaissent anachroniques, impropres à remplir les fonctions que leur imposent l'industrialisation et des concentrations démographiques sans précédent (entre 1830 et 1880, la population de Londres passe de 1 à 4 millions). Pour survivre et s'adapter, elles réclament des transformations globales de grande envergure.

Haussmann et l'urbanisme de régularisation

La transformation la plus spectaculaire, sans équivalent ailleurs, fut accomplie à Paris entre 1853 et 1869 par le baron G.  Haussmann. L'œuvre du préfet de Napoléon III déborde très largement le cadre policier ou édilitaire à quoi on l'a généralement réduite. Il s'agissait de faire subir à la capitale, étouffée et paralysée, la mutation qui l'adapterait à l'ère nouvelle, en particulier sur le plan de l'hygiène et de la circulation. Comme en témoignent ses Mémoires (1890-1893), Haussmann n'appuie sa démarche ni sur une critique sociale ni sur une théorie de l'aménagement. Mais, pour la première fois, il traite l'ensemble de l'espace parisien comme une totalité, de façon méthodique et systématique. Il fait exécuter le premier plan global de Paris, avec courbes de niveaux, ce qui lui permet une analyse approfondie de la topographie et de la morphologie parisiennes. En s'appuyant sur des services hautement spécialisés, créés par lui à cet effet, et sur un système original d'autofinancement, il conçoit alors le fonctionnement de la ville en termes de systèmes homologues, hiérarchisés et solidaires, dont il entreprend la réalisation : système viaire, qui solidarise les deux rives de la Seine, brise l'isolement des quartiers, met en relation tous les points névralgiques de la ville ; système d'aération avec sa hiérarchie d'espaces « verdoyants » (parcs suburbains, parcs intra-muros, jardins, squares, places plantées, arbres d'alignement) ; système d'alimentation en eau (les Parisiens buvaient encore l'eau de la Seine en 1853) et système d'évacuation (le plus vaste réseau d'égouts depuis celui de Rome, techniquement exemplaire).

Si Haussmann a contribué à l'esthétique de Paris avec ses espaces verts et surtout avec son mobilier urbain, la volonté d'art demeure néanmoins chez lui seconde par rapport à la visée instrumentale. À l'espace de spectacle, il a fait succéder l'espace moderne de circulation et son réseau complémentaire d'infrastructures.

L'œuvre novatrice de Haussmann a inspiré la transformation du réseau urbain français et exercé une influence considérable non seulement en Europe (Vienne, Berlin, Rome, Anvers...), mais aux États-Unis où elle est à l'origine du remodèlement de Chicago (1909) par Daniel Burnham.

Selon Le Corbusier, Haussmann est le premier urbaniste moderne. Toutefois, si son œuvre a profondément marqué Cerdá, il ne faut pas perdre de vue le pragmatisme de sa démarche et le fait qu'elle est appliquée à un tissu existant. Certes, il traite effectivement la ville comme une totalité et orchestre le jeu d'une multiplicité de services et de spécialistes, mais cet administrateur ne se considère ni comme un inventeur d'espace, ni comme un praticien, et il ne rapporte pas son intervention à une discipline. On peut qualifier sa démarche d'urbanisme régularisateur pour l'opposer à l'urbanisme, sans qualificatif, théorisé par Cerdá.

L'urbanisme régularisateur s'est particulièrement développé dans les pays germaniques pendant le dernier tiers du xixe siècle, du fait de la coopération des administrations et d'un corps d'architectes et d'ingénieurs fonctionnaires, tels R. Baumeister et J. Stubben, auxquels on doit aussi d'importants manuels d'aménagement,[...]

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Le Panopticon de Jeremy Bentham - crédits : d'après Jeremy Bentham, The works of Jeremy Bentham vol. IV, 172-3

Le Panopticon de Jeremy Bentham

Brasília - crédits : Atlantide Phototravel/ Corbis/ Getty Images

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