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URBANISME Théories et réalisations

Urbanisme et aménagement à l'ère des médias

Les sociétés modernes sont entrées dans l'ère post-urbaine annoncée dès 1968 par Melvin Webber, sous le nom de post-city age.

Les mutations intervenues dans les domaines des transports, de la communication et des télécommunications ont rendu inutile la concentration urbaine et favorisent une distribution homogène des activités et des populations, qui commence sous nos yeux.

L'urbanisme progressiste a contribué à cet éclatement des anciens établissements urbains au profit d'une urbanisation uniforme et généralisée, qui récuse également les anciens établissements ruraux, les anciennes villes et les anciennes formes d'urbanité.

Cependant, l'« urbain » promu substantif continue de hanter les instances décisionnelles, les praticiens, le public : « produire la ville » est devenu un leitmotiv. Ce retour paradoxal sur les positions d'un urbanisme culturaliste, pourtant démystifié, qui s'inscrit en faux contre la marche de l'histoire, est favorisé, du côté des architectes, par le mouvement post-moderne et son hostilité à l'architecture et à l'urbanisme du mouvement moderne. Par ailleurs, la vogue du patrimoine historique, qui a fini par englober le tissu urbain ancien (loi Malraux sur les secteurs sauvegardés, 1962 ; charte d'Amsterdam, 1975) revalorise l'image traditionnelle de la ville et pose aussi, de façon cruciale, la question du traitement des ensembles anciens dans le processus d'urbanisation.

Les exigences de la lucidité conduisent à se demander si le terme même d'urbanisme, si connoté par l'urbs et par la cité, ne doit pas être désormais confiné dans le champ du droit où il désigne une réglementation liée aux nouvelles modalités de l'urbanisation.

« Urbanisme » tend d'ailleurs à être remplacé par le terme « aménagement », qui subsume une multiplicité d'échelles d'intervention, relevant de problématiques différentes. Au sommet, un aménagement des territoires, directement en prise sur les grands choix économiques, sociaux, écologiques des États et des communautés d'États, solidarise, par la médiation des techniques de pointe du génie urbain, des réseaux d'infrastructures de plus en plus vastes, performants, sophistiqués et fragilisés par cette complexité même. À la base, et sans pour autant, jusqu'ici, menacer les opérations géantes et les mégastructures (gratte-ciel de Norman Foster à Hong Kong, Mosquée de Rabat), un aménagement à l'échelle des parcelles et des îlots traditionnels correspond à la pratique que les Anglo-Saxons appellent urban design. Les études de morphologie et les recherches sur les parcellaires urbain et rural, lancées avant la Seconde Guerre mondiale par la géographie lablachienne et par Marc Bloch, ont été reprises par des architectes, d'abord en Italie (G. Samona, C. Aymonino, A. Rossi) et dès le début de la crise du mouvement moderne. Cette démarche pourrait présager une réconciliation de l'aménagement avec l'échelle humaine et permettre aux architectes de retrouver un rôle créateur, à la mesure de leurs ambitions légitimes.

Au regard des récentes mutations sociétales, induites par l'innovation technique, les théories de l'urbanisme, de Cerdá aux C.I.A.M., apparaissent aujourd'hui singulièrement naïves. Il n'en demeure pas moins souhaitable que la multiplication des savoirs et des pratiques impliqués dans la production de notre environnement laisse subsister une réflexion de synthèse, commune à la diversité des intervenants.

— Françoise CHOAY

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Médias

Le Panopticon de Jeremy Bentham - crédits : d'après Jeremy Bentham, The works of Jeremy Bentham vol. IV, 172-3

Le Panopticon de Jeremy Bentham

Brasília - crédits : Atlantide Phototravel/ Corbis/ Getty Images

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