Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

URBANISME Urbanisme et architecture

La thèse qui compare la ville à « une grande maison » – assimilant les quartiers résidentiels aux chambres à coucher, les usines et les fabriques à la cuisine, les universités et les écoles au bureau-bibliothèque, les centres représentatifs et de loisirs à la salle de séjour, les rues et les places aux corridors et aux dégagements – a été soutenue par d'illustres partisans, de Léon Battista Alberti à Louis Kahn ; mais, sans cesser d'être suggestive, elle pèche par son simplisme. Le rapport entre urbanisme et architecture ne peut être ramené à une différence quantitative ; il est à la fois plus intime et plus complexe.

L'architecture apporte à la ville la troisième dimension ; en d'autres termes, elle la réalise dans l'espace. Inversement, la trame urbaine ne détermine pas seulement les points de vue à partir desquels sont saisis les volumes architectoniques ; elle propose aussi les conditions de milieu, depuis les bruits jusqu'à la pollution atmosphérique et à la lumière, qui caractérisent la jouissance de l'édifice. Sur le plan théorique, urbanisme et architecture s'identifient : toute conception de la ville implique un langage architectural qui lui soit conforme ; et réciproquement, tout type d'architecture présuppose un discours urbain cohérent.

Cette identité fondamentale laisse cependant ouverts trois problèmes. Tout d'abord, la ville est un organisme dynamique, capable de durer des siècles et des millénaires ; elle ne meurt pas lors même que sa conception originaire s'est épuisée ; elle survit, elle lutte, elle accueille ou repousse les langages nouveaux, elle se transforme. De l'identité on passe ainsi au contraste entre ville ancienne et architecture qui tend à la modifier. Les conséquences d'un tel heurt sont, chaque fois, différentes : Florence, par exemple, demeure moyenâgeuse, bien qu'elle soit le berceau de la Renaissance ; Rome, en revanche, devient baroque, en dépit de ses grandioses vestiges antiques et des fragments que lui lèguent le Moyen Âge et la Renaissance ; Paris est une ville néo-classique, aussi chargée soit-elle de témoignages antérieurs et postérieurs.

Ce n'est pas tout. Il y a des périodes historiques où n'existe pas d'idée de la ville ; ou alors, cette idée se manifeste sous forme d'abstractions idéologiques et d'utopies formelles, sans parvenir à descendre à un niveau opératoire. L'architecture, du coup, ne peut pas se limiter à fournir la troisième dimension, elle doit, par sa force propre, orienter le développement urbain. Elle cesse d'être seulement architecture, elle assume une fonction synthétique de suppléance, elle devient « urbatecture ».

Venons-en, pour finir, à la situation actuelle. Une fois dépassée la distinction entre ville et campagne et, par là, le concept même de ville comme organisme compact et accompli, on en vient à urbaniser le territoire tout entier. Des interventions macroscopiques s'imposent, qui excèdent le rapport traditionnel d'identité ou de contraste entre urbanisme et architecture, ainsi que l'échelle des expériences d'urbatecture tentées jusqu'à ce jour. S'ouvre ainsi le panorama dramatique et passionnant des interrogations concernant la configuration globale d'un milieu propre à la société contemporaine.

Identité de l'urbanisme et de l'architecture

Pour une structure donnée de ville, il n'est pas difficile d'en connoter les composantes architectoniques, puisqu'à chaque disposition urbaine correspond un langage architectural spécifique et irremplaçable. Il suffit de penser à deux exemples extrêmes : le monde hellénique et celui du Moyen Âge.

Le décor grec est constitué, comme le disait Le Corbusier, par le « jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière ». La tâche[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'architecture, auteur, président du Comité international des critiques d'architecture

Classification

Média

Casinos de Las Vegas - crédits : David Tomlinson/ The Image Bank/ Getty Images

Casinos de Las Vegas

Autres références

  • ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)

    • Écrit par
    • 3 110 mots
    • 8 médias
    ...cité idéale a un plan rationnel, avec des édifices régulièrement disposés de part et d'autre de rues larges et rectilignes. Cette nouvelle conception de l'urbanisme, en rupture avec les pratiques médiévales, est liée sans doute à l'essor sans précédent de la cité-république. Alberti reprend la plupart des...
  • ALPHAND ADOLPHE (1817-1891)

    • Écrit par et
    • 1 674 mots

    Ouvrir de nouveaux espaces, assainir les anciens, créer des jardins, embellir l'ensemble, tels sont les différents gestes d'une même démarche qui ont conduit à faire de Paris une capitale moderne au xixe siècle. Jean-Charles Adolphe Alphand, paysagiste et administrateur français de...

  • ANGIVILLER CHARLES CLAUDE DE LA BILLARDERIE comte d' (1730-1809)

    • Écrit par
    • 607 mots
    • 1 média

    La faveur de Louis XVI vaut à d'Angiviller de remplacer, en 1774, le marquis de Marigny comme surintendant des bâtiments du roi. Ses idées sont plus personnelles que celles de son prédécesseur, mais il reconnaît la valeur de l'œuvre accomplie par lui grâce aux sages conseils dont il a su s'entourer...

  • ANTHROPOLOGIE URBAINE

    • Écrit par
    • 4 898 mots
    • 2 médias
    L’autre grande école d’anthropologie urbaine est britannique et voit le jour à la fin des années 1930 en Rhodésie du Nord (auj. Zambie), alors dominée par la Grande-Bretagne. Le Rhodes-Livingstone Institute y est fondé en 1937, avec pour mission d’étudier les changements affectant les sociétés d’Afrique...
  • Afficher les 144 références