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URBANISME Urbanisme et architecture

Cités antiques et construction nouvelle

Une ville cohérente sous tous ses aspects, née d'un plan régulateur se réalisant dans des architectures adéquates, ne peut exister que si elle est abandonnée au bout de quelques décennies, comme ce fut le cas pour Tell-el-Amarna construite par le pharaon Aménophis IV au milieu du xiie siècle avant l'ère chrétienne. Autrement, les villes se dilatent ou se contractent, accumulent des valeurs et des langages divers, se nourrissent de leurs propres contradictions.

Quand les Romains arrivent dans les cités grecques, ils n'en bouleversent pas la trame, mais ils enferment avec des édifices nouveaux les perspectives ouvertes sur le paysage.

Pendant la Renaissance, on assiste à un phénomène semblable : on élève des églises et des palais, on ouvre des rues et des places, qui interrompent le continuum médiéval, mais sans le détruire ; la structure urbaine résiste à l'agression, et assimile les apports nouveaux. La même chose se produit, en général, dans l'insertion de fragments modernes au sein des villes historiques : une réalisation de Le Corbusier, de Mies van der Rohe, de Mendelsohn n'offense pas le passé – elle le récupère plutôt par des contrastes dialectiques qui peuvent produire des niveaux poétiques surréalistes.

C'est, en revanche, un résultat bien différent et autrement incisif que produit le heurt entre le langage médiéval et l'urbanisme antique, comme en témoigne, par exemple, le cas des castra romains. Lorsque l'Empire s'écroule, les populations envahissent les campements militaires, les transforment en habitations, en altèrent l'échiquier, puis, à mesure que l'organisme se développe, entourent le vieux castrumde plusieurs ceintures de bâtiments concentriques. Au terme de ce processus, vers le xive et le xve siècle, le noyau originaire, s'il est encore aujourd'hui reconnaissable, est complètement absorbé par le développement médiéval.

Le contraste entre urbanisme et architecture offre d'innombrables variantes, selon qu'il se manifeste à l'occasion de la croissance de la ville ou, au contraire, de sa contraction. L'exemple le plus spectaculaire de contraction est fourni par Rome. Au ive siècle après J.-C., elle comptait environ deux millions d'habitants ; ce chiffre était descendu, au xiiie siècle, au-dessous de trente mille. Lorsque Rome, à la fin du xixe siècle, redevint une grande ville, le problème fut d'harmoniser le développement d'un bourg baroque avec la structure de la métropole antique définie par les murs et les ruines éparpillées dans la campagne. On ne parvint pas à trouver la solution d'un tel problème, et Rome ne put devenir une capitale moderne comme Paris, Vienne ou Berlin, alors même qu'elle recouvrait puis dépassait ses dimensions impériales.

La polémique entre conservateurs et novateurs est aussi vive et passionnée qu'elle est stérile. Ce n'est pas en les embaumant qu'on peut sauver les cités antiques, mais en leur conférant une fonction moderne dans un milieu territorial plus vaste. Et rien n'est, de fait, plus mortifiant et plus honteux que le faux antique.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'architecture, auteur, président du Comité international des critiques d'architecture

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