URBANISME Urbanisme et architecture
« Urbatecture »
Brunelleschi, Michel-Ange, Palladio, Borromini – c'est-à-dire les représentants les plus prestigieux de l'architecture italienne – ne conçurent jamais le plan d'une ville. Et pourtant, Florence et Rome et Vicence n'en demeurent pas moins leur œuvre. Ce qui revient à dire que, dans les périodes où l'urbanisme est en crise, c'est l'architecture qui décide, en recourant à ses moyens spécifiques, du développement de la cité. En d'autres termes, elle devient « urbatecture ».
L'exemple le plus célèbre : Michel-Ange. C'est lui qui détermine les centres fonctionnels de Rome : centre religieux avec Saint-Pierre, centre résidentiel avec le palais Farnèse, centre municipal avec le Capitole, ainsi que l'axe d'expansion vers l'est, le long de la voie Pia. Il réalise ainsi une ville sans en dessiner préalablement le plan, il la construit par « pôles », par coaguli successifs capables de susciter un processus de construction. Il n'a nul besoin d'un « tissu » urbain : les pôles étant fixés, le tissu naît de lui-même, spontanément et de façon organique.
Un tel système semble plus efficace et plus actuel que le plan régulateur. Tout d'abord, il est génétiquement tridimensionnel. Ensuite, il n'hypothèque pas le futur, car une erreur se produisant à un pôle se corrige d'elle-même, par modifications et transformations, tandis qu'une erreur inscrite dans un tissu marque définitivement la vitalité urbaine.
En dépit de la multiplication fébrile des plans régulateurs, même l'époque moderne trouve dans les urbatectures ses épisodes les plus convaincants. Car ce sont des urbatectures, des pôles urbains, des fragments de ville que les unités d'habitation conçues par Le Corbusier, Marina City à Chicago, l'Habitat de Montréal – tandis que Brasília et Chandigarh, nées sur la base de plans régulateurs, apparaissent comme des organismes du xixe siècle. Frank Lloyd Wright visualise ses principes dans Broadacre City, mais il ne trace pas de plans régulateurs de type traditionnel. Au contraire, en construisant à New York le musée Guggenheim, il conteste la structure en échiquier de la métropole, et favorise un processus de renouvellement dans tout un secteur. Et quand il invente l'« Illinois », le gratte-ciel haut d'une lieue, il propose une alternative révolutionnaire à l'habitat contemporain.
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Écrit par
- Bruno ZEVI : professeur d'histoire de l'architecture, auteur, président du Comité international des critiques d'architecture
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