URBANISME Urbanisme et société
L'urbanisme, qui est à la fois la science et l'art de l'ordonnancement urbain, est technique en tant que science, et création sociale en tant qu'art. Il exprime la volonté d'être et de paraître d'une société. Comme tel, il est œuvre des maîtres de cette société, dont il affirme à la fois le triomphe et le goût. Mais il est aussi image de la société et de ses aspirations. À société aristocratique, un urbanisme noble, consacrant la domination d'une société cultivée quelles que soient les origines de ses ressources, rente foncière ou profits commerciaux. À société d'affaires, un urbanisme de prestige financier et d'ordre social : la City de Londres. À société démocratique ou se définissant comme telle, un urbanisme de logement et de consommation offrant le maximum de services au maximum d'usagers. Mais on ne saurait séparer société et économie. L'urbanisme est en même temps création de l'économie et de la société. Quand le point de rupture est atteint entre économie et société, il n'y a plus d'urbanisme, ou il n'y a plus qu'un urbanisme de catégorie sociale : c'est le cas limite des villes du Tiers Monde où se gonflent les rangs d'une « subsociété » sans fondement économique, qui n'a accès à un urbanisme de faveur et de misère que par un transfert de ressources pour limiter la lèpre de l'habitat « sous-intégré », ou « non intégré ». À vrai dire, la question se pose différemment selon que l'on voit dans l'urbanisme l'image d'une société ou l'œuvre d'une société. La nuance peut paraître subtile : elle sépare cependant un bilan intégrant actif et passif, œuvres et lacunes, d'une réalisation globale ou partielle qui aboutit finalement à l'image. Le cycle est bouclé, de l'image à l'action et de l'action à l'image, mais l'approche reste fondamentalement différente.
Vingt-cinq siècles d'urbanisme politique
Pendant plus de vingt siècles, dans les pays de la Méditerranée et en Europe, l'urbanisme a été l'expression d'une société et d'une économie à base de rente foncière, concentrée et exploitée par les maîtres du sol, enracinés dans leurs villes, symboles de leur puissance, garanties de leur sécurité, ateliers de leur ingéniosité et de celle de la classe marchande, née à l'ombre du pouvoir.
La ville antique est une ville de propriétaires terriens, exprimée topographiquement, géographiquement autant que socialement en trois termes : le pouvoir, civil et militaire, diversement réparti suivant les régimes politiques ; le sacré, auquel s'associe plus ou moins tôt la transmission des valeurs immatérielles, la culture ; le marché, qui est, avec ses prolongements artisanaux, la première forme de création de valeurs ajoutées. Citadelle, temples, souvent réunis sur l'acropole, l'agora ou le forum. La société tout entière y trouve son expression. L'histoire y est intégrée. La campagne n'est qu'objet de luttes entre cités. La ville est faite pour un ordre dominant. Mais tous y ont leur place, parce qu'elle est le moule sécrété par la société antique. La démocratie antique est une fausse démocratie, mais même ceux qui étaient en marge de cette démocratie ont tenu leur place, joué leur rôle, contribué à façonner le moule urbain dans la ville antique. La ville musulmane n'est que le prolongement et une variante de la ville méditerranéenne héritée de l'Antiquité classique. Elle présente exactement les mêmes caractères représentatifs d'une société différenciée mais globale.
Le Moyen Âge européen a d'abord détruit la ville parce qu'une nouvelle société s'était emparée de la source unique de richesse, la terre. Mais une société sans ville est incapable de réaliser[...]
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Écrit par
- Pierre GEORGE : membre de l'Institut
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Média
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