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URBANISME Urbanisme et société

La naissance d'une politique

La société capitaliste, après la crise des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale, « fait ses comptes ». Les collectivités publiques, invitées à prendre en charge le déficit chronique et croissant de l'urbanisation anarchique, appelées à reconstruire les villes et les quartiers détruits par la guerre, doivent élaborer des politiques, sinon des systèmes de remise en ordre des villes, devenues l'habitat des deux tiers ou des trois quarts de la population. Elles sont en quête d'une idéologie et de modèles. Seulement, entre l'urbanisme d'ordre de la période haussmannienne et l'époque contemporaine, un phénomène de première grandeur s'est produit dans les organismes urbains les plus puissants : la réalité et la conscience de la ville ont disparu. La société en mutation constante est difficilement saisissable dans le cadre d'une prévision trentenaire, et l'esprit est troublé par la science-fiction qui donnait de l'horizon 2000 une image irréelle à laquelle il était impossible d'accrocher une problématique de l'urbanisme. C'est à cet égard qu'on peut penser que le gigantisme architectural et la conception de compositions prétendument futuristes sont des actes conscients ou inconscients de renoncement à prévoir et d'impuissance devant un avenir inconnu.

Pourtant, l'urbanisme, devenu politique de l'aménagement de l'espace et de l'administration du territoire dans le court terme et le moyen terme, reçoit des missions précises : remettre de l'ordre dans le tissu urbain, freiner les spéculations engageant la physionomie d'un quartier ou d'une ville pour une génération. C'est la mission des équipes chargées d'élaborer les plans régulateurs, les schémas directeurs d'aménagement urbain, de fixer des coefficients des plans d'occupation des sols, mais aussi de définir une stratégie du développement respectif des différentes unités urbaines.

Dans le premier cas, il se confond avec un service administratif. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'urbanisme est chargé de mission par le pouvoir. Si, dans cette action, il se différencie de l'urbanisme de grandeur du xviiie siècle ou de l'urbanisme de maintien de l'ordre du xixe, c'est parce que le rôle de l'État a lui-même changé, et que ses fonctions répondent aux exigences spécifiques de la société actuelle. Ne s'agit-il pas de permettre à la masse accumulée dans les villes de satisfaire ses appétits de consommation de produits et de services, sans mettre en cause l'initiative et l'esprit d'entreprise des promoteurs ? Jeu difficile et bien souvent vain, qui fait du travail de l'urbaniste des grandes agglomérations une œuvre décevante et sans cesse remise en cause.

La société socialiste a naturellement engendré son propre urbanisme, dégagé des contraintes de la spéculation foncière et immobilière et des contradictions entre la propriété individuelle des sols et l'usage collectif de l'espace urbain. Il était dépourvu de toute spontanéité, puisque la décision appartenait à la collectivité publique et à elle seule. Il était acte politique. Il était idéologie comme nulle part ailleurs, mais il restait tout de même soumis à des contingences et à des contraintes économiques. Il était animé par l'affectation planifiée d'une fraction du budget public à l'aménagement urbain et, de ce fait, il était administratif et bureaucratique. Il devait répondre au maximum de besoins avec des moyens limités. Et l'imagination était à son tour limitée. Il était à la mesure du niveau de ressources d'une société qui se trouvait entre la société de production du xixe siècle et la société de consommation du xxe. Il était à la fois grandiose,[...]

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