URUK
Mentionnée dans la Bible sous le nom d'Erech, Uruk reste pendant près de quatre mille ans un des principaux sites de la Mésopotamie. C'est un de ses rois semi-légendaires, Gilgamesh, qui est le héros d'une célèbre épopée, écrite en sumérien à la fin du ~ IIIe millénaire, remodelée en akkadien au début du IIe, puis recopiée avec constance pendant deux mille ans et traduite dans plusieurs langues.
Des fouilles allemandes (en 1911, de 1927 à 1939, et depuis 1954) menées sur le site (appelé aujourd'hui Warks) ont mis au jour de nombreux témoignages de ce passé prestigieux. Les plus anciens vestiges reconnus remontent à la fin de l'époque dite d'Obeid (début du ~ IVe millénaire), caractérisée par une belle céramique peinte en noir sur fond clair. De cette époque date un bâtiment tripartite (à nef centrale et ailes latérales) aux façades ornées de redans, vraisemblablement une salle de conseil.
À l'époque suivante, dite précisément d'Uruk (~ 3700-~ 3100), le site s'étend et devient une véritable ville, marquant l'achèvement de ce processus d'urbanisation dont Gordon Childe soulignait l'importance. Dans le dernier quart du ~ IVe millénaire, un vaste complexe architectural constitue le quartier dit de l'Eanna, cœur politique et religieux de la ville. Certains bâtiments, tout en rappelant le passé par leur plan tripartite, atteignent des dimensions inconnues jusque-là (le temple D, par exemple, mesure presque 4 600 m2), mais des formes architecturales nouvelles apparaissent également. Le décor des façades est lui aussi remarquable : des niches à la découpe parfois très compliquée font jouer l'ombre et la lumière ; ailleurs, des mosaïques de cônes (clous d'argile ou de pierre à tête colorée, fichés dans la maçonnerie) dessinent des motifs géométriques. Pour la plupart, ces bâtiments sont généralement considérés comme des temples, mais l'Eanna est plus vraisemblablement un immense complexe palatial, avec ses salles de réception, ses quartiers d'habitation, et seulement quelques édifices proprement religieux. Le maître des lieux nous est d'ailleurs connu, puisqu'il est souvent représenté, personnage que l'on a pris l'habitude d'appeler « roi-prêtre », car les scènes où il intervient ont souvent un caractère religieux : il figure sur des sceaux-cylindres, sur des bas-reliefs comme la stèle de la Chasse et le vase d'Uruk en calcaire blanc, et il apparaît même en ronde bosse. Toutes ces formules artistiques sont nouvelles, et reflètent l'idéologie qui sous-tend la structure hiérarchique de la société. L'artisanat se développe alors, pour répondre aux besoins d'ostentation de l'élite, et des produits exotiques (pierre, bois, minerais) sont importés d'Iran et d'Anatolie, par le biais de comptoirs et de colonies, pour fabriquer des produits de luxe. Ces investissements dans les domaines de l'architecture et de l'artisanat impliquent des moyens considérables. Le roi et l'élite sont en effet au cœur d'un mouvement de convergence des biens dont l'ampleur amène la mise au point de diverses techniques de gestion : des jetons, dont les uns ont une valeur numérale et dont les autres représentent des denrées, permettent de comptabiliser les biens en circulation. C'est dans ce contexte économique que l'écriture fut mise au point, sans doute pour la première fois au monde. D'abord simple aide-mémoire, elle permettra bientôt de transcrire toutes les nuances de la pensée.
L'époque suivante, dite de Djemdet-Nasr (aux environs de ~ 3000), est attestée à quelque distance par la ziggourat d'Anu, une terrasse élevée, plusieurs fois refaite, sur laquelle sont successivement construits divers bâtiments de même type (dont le temple Blanc, liés plus[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Daniel FOREST : docteur en archéologie, chargé de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
DAME D'URUK
- Écrit par Jean-Claude MARGUERON
- 241 mots
Visage féminin trouvé en fouilles sur le site d'Uruk (Warka, Irak). Daté de — 3000 il appartenait à une statue composite dont l'âme était sans doute en bois (musée de Bagdad). Taillée dans un marbre blanc très fin, haute d'une vingtaine de centimètres, cette tête était destinée à recevoir...
-
ANU
- Écrit par Daniel ARNAUD
- 485 mots
Anu est le nom sémitisé du dieu sumérien An ; l'idéogramme qui le désigne signifie simultanément « ciel » et « dieu », en général. Dans le partage tripartite du monde, Anu règne par excellence sur les cieux. Il occupe, à ce titre, le sommet du panthéon classique babylonien. Environ quatre-vingts...
-
ASSYRO-BABYLONIENNE RELIGION
- Écrit par René LARGEMENT
- 4 270 mots
- 5 médias
...de boissons fermentées, de pains, de fruits et de viande ; ils n'étaient pas purement symboliques ; le menu journalier des quatre grandes divinités d' Uruk exigeait 243 pains faits de 409 litres de farine d'orge et de 136 litres de farine de blé ainsi que 1 200 tartelettes à l'huile, nappées de dattes... -
ÉPOPÉE DE GILGAMESH
- Écrit par Florence BRAUNSTEIN
- 725 mots
- 2 médias
-
GILGAMESH
- Écrit par Jean-Daniel FOREST
- 1 982 mots
- 2 médias
- Afficher les 15 références