UT PICTURA POESIS
Une revendication de liberté
Pour les peintres, l'ut pictura poesis assure une fonction libératrice. Il contribue d'abord à donner une légitimité aux genres profanes qui émergent à la Renaissance (mythologie, histoire, allégorie princière). Si la peinture est assimilable à la littérature, le peintre – ou son commanditaire – peut tout naturellement puiser ses sujets non plus seulement dans la Bible ou dans la littérature hagiographique, mais aussi chez des poètes – ou des historiens – profanes. Surtout, Horace proclame, au tout début de l'Art poétique, que « les peintres et les poètes ont toujours eu un égal droit d'oser tout ce qu'ils voulaient ».
L'affirmation est certes tempérée par une exigence de convenance, puisqu'elle vient juste après une ferme condamnation des grotesques. Mais elle autorise par exemple Titien (1488 env.-1576) à s'écarter des textes-sources et à déployer une facture très personnelle dans ses toiles mythologiques tardives, qu'il appelle justement des « poésies ». Poussin (1594-1665), quant à lui, n'hésite pas à insérer un motif païen – la Charité romaine – dans La Manne (1639, musée du Louvre), alors même qu'il écrit au commanditaire : « Lisez l'histoire et le tableau, afin de connaître si chaque chose est appropriée au sujet ». Enfin, Eugène Delacroix (1798-1863) s'inspire indifféremment de la Bible ou de ses auteurs favoris (Scott, Byron, etc.) : seul importe le fait que le spectateur soit touché par la charge émotive de la scène et par le coloris.
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Écrit par
- Maurice BROCK : agrégé de lettres classiques, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire de l'art moderne à l'université François-Rabelais, Tours
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