V., Thomas Pynchon Fiche de lecture
Publié en 1963, ce premier roman de l'écrivain américain Thomas Pynchon déconcerta par ses implications et la place qu'il faisait à la métafiction. Par son recours à l'autoparodie, Pynchon élabore ce qui est à la fois une comédie délirante, une énigme à résoudre, un panorama spectaculaire du passé occidental et un commentaire mélancolique sur ce qu'est devenu le monde. En bref, un roman échevelé qui met en question sa propre conception.
Deux intrigues superposées
On remarque d'abord dans V. l'abondance de noms parodiques comme Dewey Gland ou Baby Face Falange ainsi qu'un style un peu décousu, qui évoque une comédie musicale où les personnages interrompraient l'action pour donner des duos. V. souligne aussi les conventions du genre par des titres explicatifs et des résumés en tête de chaque chapitre, des emprunts à la tradition picaresque chère à George Smollet (Les Aventures de Roderick Random, 1748) et au symbolisme ubuesque et amer de l'écrivain américain Nathanael West (1903-1940).
Une seconde lecture se révèle nécessaire pour comprendre les enjeux du roman. Elle montre que c'est à un examen détaillé des rapports entre le rationnel et l'irrationnel que nous invitent les deux lignes narratives : l'une porte sur l'existence, l'autre sur l'Histoire. Ainsi, l'intrigue concernant Benny Profane repose surtout sur les sentiments et l'expérience du personnage. Irrévérencieux sans être rebelle, né la veille de Noël, Benny Profane rêve d'un monde et de relations qui ne l'engagent pas : « Il y en a parmi nous qui ont peur de mourir, d'autres craignent la solitude humaine. Profane, lui, redoutait ces paysages, terrestres ou marins, où rien ne vivait que lui-même. Il semblait que toujours il s'y fourvoyât : on tourne un coin de rue, on ouvre la porte du pont-promenade, et on y est, en plein pays ennemi. » Il se laisse porter par les événements, et avec ses amis va traquer les alligators dans les égouts de New York, juste pour gagner sa vie.
Parallèlement à ce premier fil narratif, Herbert Stencil s'ingénie à trouver des explications et un sens à ce qui se présente, fût-ce à travers une simple « copie du réel ». Né à l'aube du xxe siècle, il a dormi dans l'entre-deux-guerres et se réveille sur le tard, brûlant de comprendre le sens de l'Histoire. Il entreprend donc d'écrire l'histoire de V., qui a été l'épouse de son père. Pour cela, il va donc ébaucher un vague canevas en prenant pour sources le journal de son père et des interviews. Le résultat de sa recherche : une vaste machination, une facette après l'autre apparaissant dans un étrange kaléidoscope, sans que la nature de V. puisse apparaître autrement qu'à travers la succession de ses avatars.
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Écrit par
- Michel FABRE : professeur émérite
Classification
Autres références
-
PYNCHON THOMAS (1937- )
- Écrit par Anne BATTESTI
- 1 864 mots
...duplicité. Dès 1963, après avoir vécu dans le New York beatnik et publié plusieurs nouvelles, puis travaillé comme rédacteur technique pour Boeing à Seattle, il exerce dans V., son premier roman, « le droit à l'anxiété de l'imagination ou au souci historique ». Alors qu'il est installé à Mexico, il « disparaît...