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VACCINATION ANTITYPHOÏDIQUE

Vie dans les tranchées - crédits : Classic Vision/ Age Fotostock

Vie dans les tranchées

Au premier semestre de 1915, alors que la guerre s’est enlisée sur le front occidental, une violente épidémie de typhoïde balaie la zone des armées. Elle éclate en novembre 1914, connaît un pic dans les premiers mois de 1915, et est suivie d’ un nouvel épisode épidémique sérieux constitué cette fois de paratyphoïdes, qui atteint son paroxysme à l’été de 1915. Lors de l’entrée en guerre, les hygiénistes redoutaient le cortège d’épidémies que susciterait le conflit : sur le front ouest, ce ne sont pourtant ni la variole ni le typhus redoutés qui mettent en péril la santé des troupes et désorganisent les unités combattantes, mais la fièvre typhoïde, laquelle constitue le seul épisode infectieux critique du conflit, aggravé par les conditions de la guerre de tranchées très favorables à la contagion. En France, on recense dans les troupes 118 décès pour 100 000 hommes à la fin de 1914, et un taux de morbidité de 26 p. 1000 au début de 1915. En temps de guerre, cette épidémie constitue un défi majeur pour les services de santé et met en jeu, à une échelle sans précédent et dans l’urgence, les stratégies de prophylaxie antityphoïdique, en particulier la vaccination.

Au xixe siècle, la fièvre typhoïde a été une maladie endémique en Europe, touchant les populations aux conditions de vie précaires – on la surnommait la « maladie des mains sales » – ; elle accompagnait les armées en campagne comme un mal inévitable. Dans la seconde moitié du siècle, son caractère contagieux et son mode de transmission par les eaux souillées et les matières fécales contaminées étaient soulignés ; son agent pathogène, Salmonella typhi, a étéidentifié par Karl Joseph Eberth (1879) et un diagnostic bactériologique a été établi. Dans le sillage de ces recherches, les travaux sur le vaccin aboutirent de façon presque simultanée : en Grande-Bretagne, Almroth Wright, et en Allemagne, Richard Pfeiffer et Wilhelm Kolle développèrent en 1896 des vaccins inactivés par chauffage.

Au début du xxe siècle, les stratégies de lutte contre la typhoïde –  vaccination préventive ou bien prophylaxie hygiéniste – variaient selon les expériences nationales. Dans tous les cas cependant, les troupes, principales cibles des épidémies, furent l’objet des priorités sanitaires, renforcées par les menaces de conflit. En Grande-Bretagne, l’accent fut mis sur la vaccination systématique après expérimentation sur des volontaires de l’armée coloniale britannique, en Inde et en Afrique du Sud notamment. L’expérimentation fut toutefois loin d’être concluante car la typhoïde causa malgré tout un désastre sanitaire pendant la guerre des Boers (1899-1902), sans doute imputable aux infections paratyphoïdes. En Allemagne, le vaccin ne suscita pas d’emblée de consensus. La notion de « porteur de germes » – ou porteur de bacilles typhiques, asymptomatique mais contaminant – fonda une autre politique sanitaire préventive, à caractère autoritaire, mise en place par Robert Koch, le « Typhusbekämpfung ». Elle consistait, dans des territoires frontaliers choisis pour leur caractère stratégique dans la défense du Reich, à quadriller bactériologiquement la population pour faire la chasse aux suspects, isoler et soigner à l’hôpital les porteurs de germes, et ainsi préserver les troupes, et secondairement les populations. En France, la stratégie vaccinale n’était pas non plus exclusive, mais les instances sanitaires militaires la soutenaient. Hyacinthe Vincent élabora en 1909 un premier vaccin français contre la typhoïde, inactivé à l’éther. Les résultats de ses essais sur les troupes d’Afrique du Nord emportèrent la conviction et justifièrent le vote, en mars 1914, de la loi Labbé qui rendait obligatoire la vaccination antityphoïdique, mais exclusivement pour les militaires.

En France, l’entrée en guerre[...]

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Écrit par

  • : professeure d'histoire de la médecine et de la santé à l'université de Strasbourg

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Média

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