- 1. De l’inoculation à la vaccination
- 2. Hauts et bas de la vaccination jennérienne
- 3. Vers l’obligation vaccinale et sa contestation
- 4. Extension de la vaccination à d’autres maladies que la variole
- 5. Vaccination et développement d’une politique universelle de santé
- 6. Construction d’attitudes antivaccination : une nouvelle ère du soupçon
- 7. Bibliographie
VACCINATION
Hauts et bas de la vaccination jennérienne
Probablement inspiré par cet exemple qui montre qu’on peut provoquer une « variole artificielle » pour empêcher la « variole naturelle », un médecin du Gloucestershire observe vers 1775 un fait surprenant : il arrive que les jeunes bergers qui traient les vaches contractent une maladie bénigne qui ressemble sous beaucoup d’aspects à la variole humaine, cette dernière ne semblant jamais les atteindre par la suite. Edward Jenner nomme cette maladie bovine variola vaccina (cow-pox en anglais), qui donne ensuite les mots « vaccine », « vaccin » et « vaccination » (d’après vacca, « vache » en latin). Il a l’idée qu’en administrant délibérément la vaccine à ses patients, il les préservera pour la vie contre la variole. Les résultats de ses recherches sont publiés dans deux articles parus en 1795 et 1796. S’il n’est pas certain que Jenner ait été le premier à noter les effets bienfaiteurs de la vaccine, il a bien été le premier à publier sur le sujet et à assurer la publicité de sa découverte par une série d’expériences facilement reproductibles. Après avoir été testée, comme avant elle l’inoculation, sur des individus-témoins, la méthode est introduite en population générale, à commencer par quelques régiments des armées européennes. À Londres, aux alentours de 1800, la mortalité variolique passe de 3 000 cas par an à 600.
Une accalmie épidémique au début du siècle nouveau donne l’impression aux gouvernements enthousiastes que ce remède miracle va non seulement faire disparaître la variole mais aussi toutes les autres plaies contagieuses. C’est pourquoi la vaccine se répand en une décennie dans le monde entier : on vaccine déjà à Vienne ou Genève au lendemain de la découverte de Jenner, puis à Paris, Saint-Pétersbourg ou Bagdad dès 1802, dans les colonies espagnoles après 1803, en Australie après 1804, aux Philippines, au Chili ou au Brésil avant 1815. Le Premier consul, Bonaparte, accorde en juin 1800 des passeports spéciaux au médecin William Woodville, collègue de Jenner, pour introduire en France le « fluide-vaccin ». Une société philanthropique présidée par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt ne tarde pas à en faire la promotion. Cette société devient « comité de vaccine » sous l’Empire, chargé d’organiser la vaccination, volontaire, des Français.
Cependant, le tableau n’est pas si idyllique. Les autorités civiles et religieuses, qui se montrent presque unanimement favorables à la prophylaxie vaccinale, ont négligé trois problèmes. Le premier est que la maladie bovine est rare et que sa « culture » est considérée comme impraticable à grande échelle, au moins jusque dans les années 1860 (quand la production sur génisses se généralisera à partir du procédé mis au point plus tôt à Naples) : la solution adoptée consiste donc à vacciner un premier patient à partir de pus prélevé sur une génisse, puis à utiliser les pustules de celui-ci pour extraire la matière vaccinale et la transmettre à un autre patient et ainsi de suite de « bras à bras ». Le deuxième est que la vaccine ne protège contre aucune autre maladie ni même à vie contre la variole et qu’il faut donc procéder, dans l’idéal, à des « rappels » tous les dix ou quinze ans. Le troisième est que, dans les conditions où sont faites les vaccinations (de bras à bras), le risque de transmission d’une autre maladie, comme la syphilis, du donneur au receveur est élevé. Le choix d’un « vaccinifère » en bonne santé devient donc crucial, et chacun se méfie du sang du voisin, ce qui dissuade un moment les gouvernements de décréter la vaccine obligatoire.
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Écrit par
- Françoise SALVADORI : docteure en pharmacie, docteure ès sciences, maître de conférences en immunologie, université de Bourgogne
- Laurent-Henri VIGNAUD : enseignant-chercheur, maître de conférences en histoire moderne, université de Bourgogne
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