- 1. De l’inoculation à la vaccination
- 2. Hauts et bas de la vaccination jennérienne
- 3. Vers l’obligation vaccinale et sa contestation
- 4. Extension de la vaccination à d’autres maladies que la variole
- 5. Vaccination et développement d’une politique universelle de santé
- 6. Construction d’attitudes antivaccination : une nouvelle ère du soupçon
- 7. Bibliographie
VACCINATION
Construction d’attitudes antivaccination : une nouvelle ère du soupçon
Pendant cette sorte d’âge d’or de la vaccination – ces « Trente Glorieuses médicales » –, la France se distingue : la première Ligue nationale contre les vaccinations voit le jour en 1954, près d’un siècle après les ligues anglaises. Le contexte est alors celui d’une politique sanitaire plus volontariste en matière de vaccins, marqué par l’obligation du BCG inscrite dans la loi en 1951 (s’ajoutant à celles contre variole, diphtérie et tétanos) pour tous les enfants, avec contrôle scolaire et amendes aux parents récalcitrants. La Ligue réunit des adhérents divers, parents qui voient dans cette « obligation de trop » une entrave à la liberté individuelle ou à la « puissance paternelle », médecins défendant leur liberté de prescription, militants soutenant des théories alternatives à celle des germes ou de l’immunologie en plein essor. Une partie importante des opposants à la vaccination se trouve aussi dans des courants de pensée issus du « naturisme », très critiques vis-à-vis de la médecine moderne et de la société industrielle, dont certains préfigurent la diversité de l’écologisme à la française : on y rencontre Henri-Charles Geffroy, fondateur de La Vie claire, André Louis, à l’origine de Nature et Progrès, les Freinet, défendant une éducation « naturelle » au sens large, ou encore Pierre Fournier, qui dessine pour Hara-Kiri. On peut sans doute reconnaître à la Ligue, devenue en 1964 « Pour la liberté de vaccination », un certain rôle dans la levée de l’obligation vaccinale variolique, elle aussi très tardive en France. Malgré son nouveau nom, c’est une méfiance globale contre la vaccination que la Ligue entretient pourtant, et ses militants argumentent par des discours peu différents de ceux déjà entendus. Pointant des accidents post-vaccinaux très rarement avérés, ils dénoncent un risque d’affaiblissement des individus (voire de l’espèce humaine), et soutiennent systématiquement le rôle du « terrain » plutôt que du germe dans la survenue des maladies.
Au cours des années 1980-1990 émerge plus largement dans la société une nouvelle inquiétude face aux « effets induits » de la modernisation et de l’industrialisation : la peur de la bombe est peu à peu remplacée par celle de l’incident nucléaire après la catastrophe de Tchernobyl (26 avril 1986), érigée en symbole d’un ensemble de « technologies » et de transformations de la nature qui pourraient conduire à un désastre planétaire. Cette mentalité renforce la suspicion manifestée auparavant envers les vaccins. Dans la nouvelle « société du risque », les États en viennent à appliquer un « principe de précaution », y compris et surtout dans le domaine de la santé publique (médicaments, alimentation, pollution des sols, etc.). Un principe qui est parfois délicat dans son application comme l’a montré en France « l’affaire du vaccin contre l’hépatite B ». En 1994, en conformité avec les préconisations OMS, le ministre délégué à la Santé Philippe Douste-Blazy tient un discours assez anxiogène dans les médias sur le risque pour tout un chacun d’être exposé à ce virus, dont les voies de contamination, surtout sanguines et sexuelles, et de la mère à son enfant lors de l’accouchement, sont pourtant encore incertaines. Environ 20 millions de Français se font vacciner, des adolescents en milieu scolaire, et beaucoup d’adultes jeunes, à l’âge des premières poussées de sclérose en plaques… Un lien est fait entre la vaccination et la survenue de cette maladie auto-immune neurologique, d’origine mal connue, mais de mieux en mieux diagnostiquée dans ces années 1990. Ce lien suggère vite une causalité, et induit tout aussi vite une forte méfiance du public et d’une partie des professionnels de santé.[...]
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Écrit par
- Françoise SALVADORI : docteure en pharmacie, docteure ès sciences, maître de conférences en immunologie, université de Bourgogne
- Laurent-Henri VIGNAUD : enseignant-chercheur, maître de conférences en histoire moderne, université de Bourgogne
Classification
Médias
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