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VACUITÉ, notion de

Vérité ultime et vacuité universelle dans Bouddha

Appliquant à la nature de Bouddha les concepts de non-dualité et de double vérité relative à la nature des choses, les penseurs du courant mahayanique ont élaboré la notion des « Trois corps de Bouddha » (trikāya) : corps de métamorphose (nirmāṇa-kāya), corps de fruition (saṃbhogakāya), corps d'absolu ou de la Loi (dharmakāya). Le Bouddha qui s'est incarné dans l'histoire, et dont la biographie est connue de tous, ne représente qu'un corps de métamorphose (nirmāṇakāya), une hypostase phénoménologique à l'usage des profanes ignorants. Ce corps n'a de sens que par son rapport aux deux autres. Le deuxième, le corps de jouissance ou de fruition (sambhogakāya), ainsi appelé en raison de l'état dont jouit le Bouddha après son extinction complète (parinirvāṇa), est un corps glorieux pourvu de tous les signes caractéristiques du Grand Être (mahāsattva). Ce corps a la faculté de se multiplier et d'apparaître sous diverses formes à ceux qui le désirent ardemment, notamment aux bodhisattva résolus à devenir eux-mêmes bouddhas ; il leur procure ainsi une joie infinie au cœur de leur contemplation. Le troisième corps, appelé corps de la Loi (dharmakāya) désigne tout à la fois l'ordre cosmique et l'ordre spirituel appréhendés comme l'essence de la doctrine bouddhique. Dans la mesure où le Bouddha est devenu tel par l'expérience vécue de la Loi (Dharma) qui s'est imposée à lui, les maîtres du Grand Véhicule affirment l'identité de nature entre le Bouddha et la Loi. L'essence de la Loi étant la vérité ultime, elle est synonyme de tréfonds de l'être, de vacuité universelle. Le corps de la Loi devient un corps de l'Absolu, un Absolu métaphysique, qui correspond à la véritable nature de tous les bouddhas ainsi qu'à la nature encore cachée mais présente dans le tréfonds de tous les êtres. Ce corps exprime une unité d'essence et de nature avec l'être ultime des choses. Puisque chaque être porte en lui cette nature de bouddha, chacun est donc destiné à la libération, à l'Éveil, quelle que soit la durée qui l'en sépare. Ainsi le moi véritable d'un individu est identifié à la nature de bouddha, celle-ci demeurant en lui de façon inaliénable. Ce corps absolu et transcendant, éternel et infini, ne doit pas être assimilé à un « étant » (ens), ce qui conduirait à la reconnaissance d'une personne douée d'une substance et d'une âme. Il est lui-même vacuité de vacuité.

— Paul MAGNIN

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. (Groupe de sociologie des religions et de la laïcité), sinologue, spécialiste du bouddhisme

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