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VALENCE, chimie

À toute représentation de la matière qui la suppose grenue, se rattachent deux genres d'intuitions, l'une privilégiant les formes, l'autre les forces. On peut, en effet, imaginer sous le mode de l'intensité les interactions entre les particules ultimes de la chimie, et sous le mode de la distribution leur occupation de l'espace. La théorie moderne de la liaison chimique subordonne ces deux aspects dans un même corps spéculatif ; mais ils donnèrent lieu, auparavant, à des élaborations théoriques distinctes. L'idée de valence fut l'une de celles-ci. Formée dans la seconde moitié du xixe siècle, elle constitue aujourd'hui un ingrédient fondamental de la pédagogie de la chimie, au même titre que les concepts d'élément et de masse atomique. Cependant, si nécessaire qu'il puisse paraître au premier abord dans l'appareillage théorique de la chimie, ce concept est désormais plus initiateur qu'initial ; au fil des rectifications et des ajustements successifs, il a perdu de sa force hégémonique première, au point que Georges Champetier pouvait, il y a plusieurs décennies, juger la valence « une notion assez artificielle dont la nécessité ne se fait plus absolument sentir ».

Les valences sont des indices numériques attachés aux différents éléments, qui rendent compte des régularités observées dans leur groupement en molécules.

L'analyse des combinaisons définies permet de les représenter par des formules telles que AmBn dans lesquelles A et B figurent les masses atomiques des éléments A et B, m et n étant des entiers. Pour une combinaison réunissant trois espèces atomiques différentes, on a une formule ternaire du type AmBnCp, etc. Dans la collection des éléments, certains forment des composés binaires dont les formules sont soit du type AB, soit du type ABn, sans que l'on puisse jamais en rencontrer du type AmB ; c'est, par exemple, le cas du fluor qui est souvent pris pour référence de la capacité de combinaison, en raison de la multitude de ses composés ; l'indice n des composés binaires du fluor BFn est la valence (par rapport à cet élément) des corps simples entrant en combinaison avec lui. De proche en proche, en composant les formules de combinaisons, on constitue un système de valences dans lequel chaque élément se trouve crédité d'indices échelonnés de 1 à 7.

La polyatomicité

On assigne généralement à Edward Frankland le mérite d'avoir, le premier, explicité la notion de valence. Dans un article de 1852, où il rend compte de la préparation de composés organométalliques du zinc, de l'étain et du mercure, il en compare la constitution à celle des dérivés cacodyliques et stilbéniques, et induit de la symétrie des formules que « le pouvoir de combinaison de l'élément attractif [...] est toujours satisfait par le même nombre des atomes qui s'agrègent, indépendamment de leur caractère propre ». En 1861, revenant sur la nature des composés organométalliques, il en infère une « doctrine de la saturation atomique » qui a pour proposition fondamentale que « chaque élément est capable de se combiner avec un certain nombre d'atomes » et que « ce nombre ne peut jamais être surpassé ».

Mais, dans les vues de Frankland, un même élément peut exhiber plusieurs atomicités lorsqu'il se combine avec une même espèce atomique (et, a fortiori, avec divers atomes ou radicaux). Examinant, dans un Discourse de 1861, la série des combinaisons d'éléments polyatomiques, tels que l'azote, le phosphore ou l'arsenic, il discerne justement divers états de stabilité des composés, observant que « dans les corps possédant au moins un état de stabilité au-dessous de la saturation, et dans lesquels tous les atomes unis à l'élément polyatomique sont de même espèce, le stade du maximum de stabilité est très rarement[...]

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