VALENCE, chimie
Caractère virtuel de la valence
La mise en évidence de l' électron et la construction des modèles planétaires de l'atome par Joseph John Thomson, Ernest Rutherford et Niels Bohr conduisirent les théoriciens à considérer la valence comme l'expression chimique de propriétés électriques des atomes. Walther Kossel pouvait ainsi, en 1915, énoncer que « chaque élément successif [de la classification périodique] renferme un électron et une charge positive de plus que son prédécesseur. Le fait que la valence change périodiquement prouve qu'en passant des éléments légers aux éléments lourds la configuration [électronique] ne varie pas uniformément. Tandis que des configurations sont régulièrement atteintes dans lesquelles est répété le nombre des électrons motivant la valence, les configurations associées avec l'inertie chimique apparaissent de même régulièrement : ce sont celles des gaz rares. Nous concevons la propriété de valence comme attachée essentiellement au comportement des électrons périphériques des atomes ».
Peu auparavant, Gilbert Newton Lewis avait proposé sa conception du mode de liaison homopolaire ou covalence, imputée à des doublets électroniques ; ceux-ci résultent de la participation mutuelle de chaque atome lié, en sorte qu'à chaque doublet corresponde une unité de valence.
Vue comme objet électronique, la molécule sera bientôt analysée à l'aide des concepts de la mécanique ondulatoire. Leur application, traitée dans l'article liaisons chimiques, met en évidence le caractère unitaire de la liaison chimique qui résulte « toujours de la mise en commun d'électrons par paires de spins antiparallèles sur des niveaux moléculaires ».
Constitué initialement dans le champ théorique d'une combinatoire des affinités chimiques, le système des valences fonctionne comme l'index de capacités de saturations respectives. Les distinctions que les chimistes furent amenés à faire entre les modes empiriques d'association de divers types de substances contribuèrent cependant à brouiller les relations trop simples supposées d'abord entre valence et structure. La tétravalence du carbone, présentée initialement comme une espèce de dogme que validait, en apparence, la fécondité des applications, dut ainsi, peu à peu, entrer en composition avec l'évidence du carbone bivalent, et même du carbone trivalent, tel qu'il apparaît dans le triphénylméthyle et d'autres « radicaux libres ». Les représentations des états de résonance et de la mésomérie instituèrent le caractère virtuel de la valence qui sera réduite peu à peu à la fonction d'une règle de composition dans un champ technique délimité. Il s'agit donc d'un concept dont l'hégémonie théorique fut toute transitoire ; il conserve assurément sa valeur dans la pratique. On lui doit, cependant, de grands bénéfices de théorie. Il a supporté, en effet, la classification fondamentale de Mendeleïev et servi de règle aux efforts de la chimie quantique dont les formalismes ont pris le système des valences comme critère de validité.
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Écrit par
- Jacques GUILLERME : chargé de recherche au C.N.R.S.
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