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WEIGEL VALENTIN (1533-1588)

Petit pasteur saxon contemporain de Montaigne et de la paix d'Augsbourg, auteur d'une somme de modestes traités (cinquante-quatre en tout, mais vingt-quatre seulement sûrement authentiques), protestant qui fut attaqué très violemment jusqu'au xxe siècle et admiré seulement par quelques non-conformistes. Depuis lors, Valentin Weigel, lentement, a fait l'objet d'une redécouverte. Il prend une place de choix dans l'histoire des philosophies, des religions, des littératures, entre l'âge théologique et l'âge moderne. Leibniz avait raison : « Valentin Weigel, [...] homme d'esprit, et qui en avait même trop. »

Sa vie fut pourtant terne. Né près de Dresde, élève des écoles princières de Saxe, étudiant à Leipzig, puis à Wittenberg, il est pasteur à Zschopau de 1567 à sa mort. Rien de dramatique dans cette existence, mis à part quelques attaques sans conséquences. L'auteur a su merveilleusement cacher son jeu. Sa rupture avec le luthéranisme officiel, sa haine du césaro-papisme sont vives cependant. Ses relations avec les cercles paracelsistes sont attestées, mais l'existence d'un cercle weigelien est peu vraisemblable.

La pensée et l'écriture de Weigel n'ont rien de déchirant. Les inquiétudes y sont filtrées, les affirmations discrètes. Tout est délié, subtil. Les accents nouveaux, cependant, sont fermes.

Le pasteur saxon opère la première synthèse cohérente de deux traditions isolées : la tradition de la mystique rhéno-flamande, qui avait beaucoup perdu de sa richesse spéculative ; la tradition paracelsienne, elle-même issue du néo-platonisme florentin, qui ajoute à la réflexion sur les mystères de la déité une méditation sur la structure du monde, macrocosme et microcosme. Valentin Weigel fait porter son attention sur la manifestation divine. Il détache des thèmes aussi importants que la sagesse divine et le corps spirituel. Il insiste sur le problème du mal. Ainsi, il prépare la naissance de la philosophie böhméenne, tout en étant à la racine de ce courant qui parcourt l'histoire de la pensée allemande du xvie au xixe siècle, et qu'il est désormais convenu d'appeler théosophie allemande.

Au xvie siècle, de plus, l'œuvre de Weigel est, en langue allemande, la seule synthèse mystique qui unisse en une courbe élevée les efforts ascétiques et les manifestations de l'état théopathique. Sa tentative de traduire spéculativement les mystères de la déification surprend également par sa richesse et sa subtilité. Cette œuvre est une réflexion sur la connaissance qui, dépassant les gloses traditionnelles, affirme le rôle du sujet, distingue connaissance active et connaissance passive ; une analyse du lieu dans ses rapports avec l'esprit, avec le corps, avec Dieu ; une spéculation sur l'âme, qui commente les intuitions les plus hardies de l'époque eckhartienne.

Entre le siècle de la Renaissance et de la Réforme et l'âge baroque, Weigel traduit la profusion d'idées des époques de transition. Il annonce le second sommet de la mystique germanique, au xviie siècle. D'une manière générale, les liens complexes qui unissent ces lignes de force que sont la mystique, la théosophie, la philosophie romantique et l'idéalisme allemand, et qui forment une des histoires les plus remarquables de l'esprit humain, se devinent, se trahissent déjà dans l'œuvre du pasteur mystique et théosophe.

— Bernard GORCEIX

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Poitiers

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  • ILLUMINISME

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    • 4 970 mots
    Selon Valentin Weigel (1533-1588), la connaissance venant par l'extérieur ne peut rien apporter d'essentiel. C'est dans le monde intérieur que se réalise la vision de la vérité : l'esprit illuminé entend, comprend, saisit. Cette lumière n'est pas le résultat d'une acquisition, elle se...