HUGO VALENTINE (1887-1968)
Article modifié le
Dessinatrice, illustratrice et peintre, Valentine Hugo occupe une place singulière dans l’histoire des avant-gardes françaises de la première moitié du xxe siècle.
Née le 16 mars 1887 à Boulogne-sur-Mer, Valentine Gross nourrit dès l’enfance une passion pour l’art et apprend la musique auprès d’un père pianiste. En 1907, elle rejoint le premier atelier de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts jamais ouvert aux femmes, celui de Jacques-Fernand Humbert. Elle s’initie à la peinture à l’huile et à la gravure et, en 1909, avec l’appui de son professeur, elle expose au Salon des artistes français. Parallèlement, elle fréquente avec assiduité les salles de spectacle. Ainsi, elle assiste aux premières représentations des Ballets russes dans la capitale. Fascinée, elle croque soir après soir les danseurs, dont Vaslav Nijinski. Dès cette époque, certains de ses dessins paraissent dans la presse. À partir de 1910, elle tient un salon dans son appartement de l’île Saint-Louis où se pressent bientôt les musiciens d’avant-garde – Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Edgar Varèse – et les écrivains de la Nouvelle Revue française – Léon-Paul Fargue, André Gide, Paul Morand et même Marcel Proust.
En 1913, elle expose ses dessins de danseurs au Théâtre des Champs-Élysées. Elle réalise aussi des portraits de ces derniers, peints à la cire sur bois pour imiter la facture des icônes russes ; certains sont achetés dès 1915 par l’État (Nijinski et Karsavina dans le ballet russe « Le Spectre de la rose », vers 1912, Centre national des arts plastiques). Elle se lie d’amitié avec Jean Cocteau et Erik Satie, et publie en 1914 le premier fascicule de ce qui aurait dû être une vaste histoire visuelle de la danse (Mouvements de danse de l’antiquité à nos jours : l’Égypte). Mais la Première Guerre mondiale aura raison de ce projet ambitieux. Pendant le conflit, elle expose des livres enluminés par ses soins (1916) et réalise ses premiers costumes de théâtre pour l’atelier du Vieux-Colombier (1917). En 1919, elle épouse Jean Hugo, arrière-petit-fils de Victor Hugo, dont elle gardera le nom après leur divorce. Dans les années qui suivent, elle l’assiste souvent dans la création de ses décors et costumes. Elle-même crée des déguisements pour les soirées fantasques organisées par les mécènes Étienne de Beaumont et Marie-Laure et Charles de Noailles. Autant d’expériences d’une grande utilité quand elle travaillera plus régulièrement pour la scène.
Au cours des années 1920, Valentine Hugo se rapproche des surréalistes. Séduite comme eux par l’esthétique foisonnante de Gustave Moreau, elle s’intéresse désormais à l’inconscient. Visions oniriques et figures monstrueuses sont servies par un dessin toujours aussi précis (Rêve du 21 décembre 1929, 1929, coll. part.). Elle participe aux principales expositions surréalistes (Paris, 1933 ; Bruxelles, 1934 ; New York, 1936), illustre les livres de ses nouveaux amis, signe les tracts édités par Breton et collabore à une infinité de cadavres exquis. Libérée du dessin de presse, elle s’intéresse au pastel (Portrait de Paul Éluard, 1932, Montpellier, musée Fabre) et peint de nouveau (Portrait d’Arthur Rimbaud, 1933, coll. part.).Elle imagine aussi un des objets surréalistes les plus célèbres (Objet, 1931, Paris, Musée national d’art moderne), conservé toute sa vie par André Breton. Avec poésie, elle réunit ici quelques motifs récurrents du surréalisme (main, gant, dé, fourrure, etc.) pour évoquer les hasards du désir. Si elle quitte le groupe en 1937, à la suite du suicide de René Crevel et des départs de René Char, Tristan Tzara et Paul éluard – dont elle reste très proche –, elle demeure cependant attachée au fantastique et au rêve (Paysage surréaliste, 1938, coll. part.).
Valentine Hugo anime ensuite une émission de radio et[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
Classification