Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BELIN VALÉRIE (1964- )

Depuis le milieu des années 1990, Valérie Belin construit une œuvre d'une rare cohérence, hantée par la matérialité du corps et la vanité des apparences. Frontalité du regard, rigidité des postures, isolement du sujet hors de son contexte, grand format et contraste des tirages, lumière chirurgicale, ivresse du détail et détournement de stéréotypes sont les composantes essentielles de son style.

L'artiste procède par séries – moins de dix images chacune – qui se succèdent au rythme d'une ou deux par an. Chaque fois, un sujet unique est défini : miroirs (1993), vieilles robes (1996), carcasses d'automobiles (1998), quartiers de viande (1998), culturistes (1999), mariées marocaines (2000), transsexuels (2001), moteurs (2002), mannequins en celluloïd (2003), sosies de Michael Jackson (2003), masques (2004), paquets de chips (2004), coffres-forts, ordinateurs, modèles (2006), danseuse du Lido (2007), prestidigitateurs (2007), danseurs de salon (2008), têtes couronnées (2009), décors de scènes (2011), intérieurs (2012). Les œuvres n'ont pas de titre mais des numéros qui inscrivent la démarche de l'artiste dans le cadre d'une anthropologie formelle stupéfiante.

Quand le regard vitrificateur de Valérie Belin se pose sur un masque de clown ou le visage parfait d'un éphèbe, il n'y a ni hiérarchie de valeur ni affect, seulement un mode opératoire implacable conçu bien en amont. Servies par un style flamboyant qui doit beaucoup à la matérialité de la lumière, ces œuvres possèdent une ambiguïté propre : réalisme/artifice, humain/virtuel, organe/machine, présence/absence, nature/culture.

Après avoir exploré la puissance graphique du tirage en noir et blanc très contrasté, Valérie Belin décide, en 2006, d'adopter la couleur pour deux séries consacrées à des femmes métisses et à de jeunes modèles d'une agence parisienne, suivies en 2008 par une autre série sur des corbeilles de fruits. Sa palette très référencée se joue aussi bien des codes de la photo publicitaire ou de mode que d'un genre pictural éprouvé.

Valérie Belin est née à Boulogne-Billancourt en 1964. Elle fait partie de la nouvelle génération d'artistes – formée dans une école de Beaux-Arts – qui a parfaitement intégré les composantes d'une trajectoire artistique maîtrisée. Dès ses débuts en 1994, son vocabulaire plastique s'articule autour des leurres visuels que constituent le verre, le cristal, les lustres, les vitrines et les pièces d'orfèvrerie. Corps luisants des culturistes, miroitement de la tôle, moteurs à la tuyauterie toute organique et autres jeux de masques disent la part d'illusion qui préside à la représentation de toute chose.

Ses photographies sont exposées dans de grands musées, les foires internationales et les galeries de renom. La liste des collections publiques et privées qui ont acquis ses tirages est impressionnante. En 2007, une rétrospective de son œuvre, encore jeune mais déjà lucide, accompagnée d'une édition remarquable par Steidl, est proposée au musée Huis-Marseille (Amsterdam), à la Maison européenne de la photographie (Paris) et au musée de l'Élysée (Lausanne). En 2009 ont lieu les premières expositions de l’artiste dans des musées américains (Peabody Essex Museum à Salem, International Center of Photography à New York).

À bien des égards, l'art de Valérie Belin illustre une certaine forme de malaise social : la vacuité des archétypes de la beauté, la critique de la société de consommation, le poids de la tradition et des conformismes, l'ambiguïté sexuelle et la confusion identitaire y ont une place centrale. Ainsi, les visages des mannequins aux traits si réguliers semblent prisonniers de leur enveloppe corporelle. Les corps hypertrophiés des culturistes se fissurent dans leur recherche excessive de la perfection. La beauté sculpturale d'ordinateurs[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : graphiste, photographe, enseignant en histoire de la photographie, diplômé de l'École nationale de la photographie (Arles)

Classification

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par et
    • 10 750 mots
    • 20 médias
    ...personnelles une facture mystérieuse, évoquant une peinture flamande qu'aurait revisitée la palette numérique. Dans leur belle frontalité, les portraits posés de Valérie Belin s'apparentent davantage au masque qu'à l'effigie, à la différence des travaux politiquement engagés du Chinois Gao Bo sur les condamnés...