ZURLINI VALERIO (1926-1982)
Valerio Zurlini est né à Bologne en 1926. Il y a dans ses grands films un équilibre entre une forme riche, derrière la sobriété de surface, et un contenu humain d'une intensité bouleversante. Le début de la carrière du metteur en scène s'est fait sans tapage. Les Jeunes Filles de San Frediano (Le Ragazze di San Frediano, 1954) possède une amertume et une justesse critiques sous-jacentes à la désinvolture et au naturel des situations. La fin de carrière de Zurlini sera tout aussi discrète. Dans Des filles pour l'armée (Le Soldatesse, 1965), il harmonise, avec finesse et un grand art du portrait, les personnalités et les styles de jeu très différents de ses actrices en une humanité d'une vérité confondante. Autre œuvre de compromis, Le Désert des Tartares (Il Deserto dei Tartari, 1976) brille à la fois par une direction d'acteurs sans faille et un travail formel digne d'éloges. Œuvre boiteuse cependant, ce film a le tort de venir clore la carrière de Zurlini sur une impression fausse.
Par contre, Assis à sa droite (Seduto alla sua destra, 1968) et Le Professeur (La Prima Notte di quiete, 1972) sont de grands films méconnus. Le premier mêle à une parabole évangélique l'analyse politique ambitieuse et sans concession du colonialisme, de la révolution et de l'après-révolution. On est étonné par sa puissance formelle (l'écran large, plongé le plus souvent dans l'ombre et déchiré d'ouvertures lumineuses aveuglantes) et par l'inspiration du coloriste (l'ombre habitée, déclinée dans toutes ses nuances et le blanc, maculé du rouge sang de la souffrance, puis surgissant sans tache à la dernière image). Le Professeur représente un cas plus complexe. Il s'agit du film le plus désespéré de Zurlini, cinéaste des rancœurs et des regrets insupportables. La première apparition d'Alain Delon, hâve, blafard, mal rasé, les épaules frileusement relevées et les poings enfouis dans les poches d'un manteau qui ne le met pas à l'abri du froid, est inoubliable.
Restent bien évidemment Été violent (Estate violenta, 1959), La Fille à la valise (La Ragazza con la valigia, 1961) et Journal intime (Cronaca familiare, 1962), lancinante trilogie sur la mort de la jeunesse. Nous la voyons succomber symboliquement dans l'agonie d'un amour contrarié par la différence d'âge et par la guerre (Éte violent), ou par les conventions sociales (La Fille à la valise), puis réellement à travers un amour fraternel immense et toujours tu (Journal intime ). N'hésitant pas à utiliser les clichés du mélodrame, Zurlini nous précipite dans la tragédie, exprimant un mal de vivre qui le rend proche de Dostoïevski et des grands écrivains russes. Au passage, il brosse d'inoubliables portraits de femmes et décrit la jeunesse dans un mélange de douceur et de cruauté. Enfin, il s'affirme dans Journal intime comme un coloriste raffiné et sensible.
Cinéaste intègre, respectueux du public, Zurlini nous élève. Impossible de ne pas trouver en soi-même un écho aux regrets, aux rancœurs, aux souffrances morales irréparables qui lacèrent la jeunesse de ses héros et les déchirent à jamais. Zurlini, cinéaste complet, s'adresse autant à notre sens plastique qu'à notre intelligence et à notre sensibilité.
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Écrit par
- Christian VIVIANI
: historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue
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Média