VALEUR, économie
De la théorie de la valeur à celle des prix
Le problème du fondement et de la mesure de la valeur est aujourd'hui sorti des théories économiques. L'analyse de la valeur d'un bien se réduit à celle de sa forme phénoménale, c'est-à-dire de son prix effectif observable dans l'échange. L'économiste cherche alors plus particulièrement à établir les lois de variations des prix, prix censés résulter de la confrontation des offres et des demandes globales. Le courant néo-classique, né à la fin du xixe siècle et aujourd'hui dominant, propose une théorie de la formation des prix résumée dans l'ouvrage fondateur de Gérard Debreu, intitulé justement Théorie de la valeur (1959). Cette théorie de la formation des prix est directement fondée sur l'utilité que les agents retirent de la consommation des différents biens – certains parlent ainsi à son propos de « valeur-utilité » : les goûts ou préférences de chaque individu sont représentés par une fonction permettant à ce dernier de classer des ensembles de biens selon l'utilité qu'ils lui procurent. Il détermine alors sa demande de chaque bien en maximisant cette utilité. C'est ensuite la confrontation de la demande globale – somme des demandes individuelles – avec l'offre globale qui permettra l'établissement du prix.
Ainsi, la distinction entre valeur d'usage et valeur d'échange, introduite initialement par les économistes classiques – Adam Smith l'avait d'ailleurs empruntée à Aristote – est abandonnée : la valeur d'échange d'un bien est identifiée à son prix alors que la valeur d'usage renvoie au concept d'utilité ; avec le développement de la théorie néo-classique et l'ancrage de la détermination des prix dans la notion d'utilité, l'opposition entre les deux notions perd toute pertinence.
L'usage même du terme de valeur est donc désormais tombé en désuétude et ne persiste que dans certaines acceptions particulières. En finance par exemple, on désigne par valeur fondamentale d'un titre (action, obligation, etc.) la valeur de l'ensemble des revenus (dividendes dans le cas d'une action, coupons dans le cas d'une obligation) auxquels donnera droit ce titre pendant toute sa vie future. Elle correspond à la valeur aujourd'hui (valeur actuelle) de ses revenus futurs anticipés. Ou encore, en compatibilité nationale, le concept de valeur ajoutée est employé pour désigner la richesse réellement créée par une entreprise. La valeur est entendue ici comme valeur marchande, produit d'une quantité par son prix de marché. La valeur ajoutée produite par une entreprise est alors la différence entre la valeur de sa production et celle de ses consommations intermédiaires (matières premières, biens intermédiaires, énergie, etc.). À l'échelle d'un pays, cette notion de valeur ajoutée sert à calculer le produit intérieur brut (P.I.B.). Dans la mesure où ce dernier est censé mesurer la richesse produite sur le territoire, il ne peut pas être calculé en sommant les valeurs totales des productions des agents économiques : la valeur d'un bien intermédiaire serait alors comptabilisée plusieurs fois, en tant que production en soi, et en tant que contribution (sous forme de consommation intermédiaire) à la valeur de tous les biens produits. Le P.I.B. est donc obtenu en sommant les valeurs ajoutées.
Enfin, la montée en puissance de la logique financière à partir des années 1980 a forgé autour du mot valeur une dernière expression : la « création de valeur », subordonnant toute la stratégie de l'entreprise à la logique actionnariale.
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Écrit par
- Nathalie BERTA : maître de conférences à l'université de Reims
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