- 1. Évaluation économique de la nature : de quoi s'agit-il ?
- 2. Pourquoi la nature est-elle importante pour nos sociétés ?
- 3. Les enjeux d'une évaluation économique de la nature
- 4. Évaluation économique de la biodiversité : comment ?
- 5. Évaluation économique : pour quoi faire ?
- 6. L'avenir
- 7. Bibliographie
NATURE VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA
L' idée de donner une valeur économique à la nature ou, plus récemment, à la biodiversité et aux services rendus par les écosystèmes (services dits écosystémiques) a émergé dès les années 1960. Elle suscite toujours un large débat, tant au sein de la communauté scientifique, partagée entre l'intérêt de développer des méthodes opérationnelles et les limites d'un cadre théorique difficiles à cerner, qu'auprès des décideurs politiques, désireux de justifier leurs choix mais incertains quant à la légitimité sociale de ces approches. Depuis le début des années 2000, deux grandes initiatives internationales – le Millenium Ecosystem Assessment (M.E.A., 2005) et The Economics of Ecosystems and Biodiversity (T.E.E.B., 2010) – ont montré que les écosystèmes étaient majoritairement dégradés alors que les sociétés humaines en restaient largement dépendantes. En France, plusieurs études ont été menées sur ce sujet. À chaque fois, ces actions sont motivées par des objectifs spécifiques qui ont plusieurs traits communs : justifier des arbitrages politiques entre la conservation de la nature et le développement économique ; clarifier les enjeux liés à la conservation ou à la destruction de certains écosystèmes ; disposer d'une approche quantifiée mettant en évidence l'importance de ces enjeux afin d'avoir la possibilité de les confronter à d'autres éléments qui concourent au bien-être social.
Évaluation économique de la nature : de quoi s'agit-il ?
Présente dans la pensée économique depuis l'Antiquité, notamment du fait de l'importance de la production agricole, la nature a été marginalisée par l'analyse économique du xxe siècle : la plupart des macro-économistes considèrent que la nature ne contribue qu'à la production de 2 à 3 p. 100 des richesses (agriculture, forêts, pêches...) ; les micro-économistes l'ont le plus souvent réduite à un effet externe à intégrer dans l'évaluation économique pour améliorer l'analyse coûts-avantages des projets, mais sans réelle réflexion sur les enjeux spécifiques. La question de la valeur de la nature est ainsi apparue dans les années 1960 comme une question nouvelle. Certains économistes considèrent d'ailleurs que, si la nature est porteuse de valeurs (spirituelle, symbolique, etc.) dans toutes les sociétés, c'est la créativité humaine qui donne une valeur économique aux « ressources naturelles ».
En effet, l'évaluation économique traduit la contribution des biens naturels, et des choix qui les affectent, au bien-être collectif. La notion de valeur économique est :
– anthropocentrée, puisque seul le point de vue des humains est pris en compte ;
– instrumentale, car elle repose sur l'analyse « utilitariste » des conséquences des choix et des actions et non sur des valeurs intrinsèques ou « déontologiques » ;
– subjective, car, a priori, ne peut avoir de la valeur que ce à quoi les humains portent un intérêt (la valeur dépend donc de leur compréhension des enjeux).
L'évaluation économique tisse entre les biens une relation d'équivalence qui dépend de leur utilité et de leur rareté (et, donc, de leur caractère plus ou moins substituable) : il s'agit de comparer plutôt que de mesurer. La valeur des choses est ainsi définie par leur « utilité marginale », c'est-à-dire par la contribution au bien-être collectif de chaque unité rendue disponible par les choix individuels ou collectifs. Calculer la valeur de l'ensemble implique donc de sommer les utilités de chaque unité... quand c'est possible. On peut donc comprendre que cette approche ne s'applique pas aisément à une nature considérée comme unique et irremplaçable.
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Écrit par
- Jean-Michel SALLES : directeur de recherche au C.N.R.S., laboratoire montpelliérain d'économie théorique et appliquée, université de Montpellier
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Média