- 1. Évaluation économique de la nature : de quoi s'agit-il ?
- 2. Pourquoi la nature est-elle importante pour nos sociétés ?
- 3. Les enjeux d'une évaluation économique de la nature
- 4. Évaluation économique de la biodiversité : comment ?
- 5. Évaluation économique : pour quoi faire ?
- 6. L'avenir
- 7. Bibliographie
NATURE VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA
Évaluation économique de la biodiversité : comment ?
La « nature » et la notion moderne de « biodiversité » sont des objets abstraits. En pratique, les évaluations portent sur des enjeux concrets, relatifs aux impacts de projets de développement ou à des actions de protection, notamment pour les espèces menacées et les milieux protégés. La prise de conscience, deux siècles après les débuts de la révolution industrielle, de la dépendance de nos sociétés et de nos économies actuelles vis-à-vis du fonctionnement des écosystèmes, a conduit à une focalisation sur la notion de « services écosystémiques », définis comme les avantages que les populations retirent du fonctionnement des écosystèmes. Malgré l'importance des travaux actuels, la définition et la quantification des services rendus par la nature restent des sujets de controverses.
Une question récurrente est de savoir s'il vaut mieux des évaluations, certes très imparfaites, que pas d'évaluation du tout ? Cela dépend a priori des situations et des contextes institutionnels. Mais cette interrogation implique d'envisager les alternatives. L'absence d'évaluation explicite ne peut que favoriser des pratiques consistant à décider en fonction de raisons circonstancielles ou démagogiques ou, au mieux, de faire confiance aux experts et aux objectifs qui leur ont été soumis : tous les éléments de clarification et d'explicitation semblent donc bons à prendre et, si possible, à rendre publics pour renforcer la légitimité et l'efficacité des choix collectifs.
Le débat sur la légitimité de l'évaluation serait vain si des méthodes n'avaient pas été progressivement développées pour obtenir des mesures concrètes. Ces techniques impliquent toutes un recueil d'informations quantitatives sur les enjeux perçus. On les classe d'ailleurs généralement sur la base du type d'informations qu'elles traitent. L'évaluation peut ainsi se fonder :
– sur des coûts observables lorsque les écosystèmes sont dégradés (impact négatif sur des activités récréatives ou le tourisme, pertes de production liées au déclin des insectes pollinisateurs...) ou pour suppléer à des services défaillants (coût accru de traitement des eaux, protection de berges déboisées...) ;
– sur l'observation de comportements visant à bénéficier de certains services liés à des écosystèmes (coûts de déplacement pour des activités de nature ; variations des prix du foncier liées à la qualité de l'environnement ou des paysages ...) ;
– sur des déclarations recueillies par enquête sur les consentements à payer pour bénéficier de certains services ou sur des choix hypothétiques qui mettent en jeu les écosystèmes.
Un problème central est que certains enjeux sont peu ou mal identifiés ou compris, même par les personnes directement concernées. Les comportements observables ne peuvent donc que refléter ces biais de perception et, dans les enquêtes, il faut apporter de l'information, tout en évitant d'influencer les personnes interrogées. L'évaluation économique rencontre donc ici une difficulté particulière qui a conduit à chercher des alternatives vers des approches moins sensibles à la subjectivité des personnes, comme les analyses multicritères qui permettent de porter un jugement comparatif sur des projets hétérogènes en séparant les différentes dimensions de leurs enjeux, ou des indicateurs bio-physiques comme l'empreinte écologique qui mesure la pression des situations ou des choix par le nombre d'hectares d'écosystèmes nécessaires pour absorber leurs différents impacts. Mais ces approches n'intègrent pas de passage de l'analyse à la prescription ; leur résultat doit être confronté à un système de valeur exogène : quel est le poids relatif des critères ? Un niveau donné d'empreinte est-il socialement[...]
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Écrit par
- Jean-Michel SALLES : directeur de recherche au C.N.R.S., laboratoire montpelliérain d'économie théorique et appliquée, université de Montpellier
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Média