VALEUR ET CAPITAL, John Richard Hicks Fiche de lecture
Temps et statique comparative
L'ambition de Hicks est démesurée. De ce fait, Valeur et capital rassemble des thèmes d'étude éclectiques : les comportements microéconomiques, la stabilité, l'équilibre temporaire, la monnaie, les taux d'intérêt, les anticipations, les cycles économiques. Le succès de l'ouvrage, son rôle dans l'histoire de la discipline économique tiennent surtout aux deux grandes voies de recherche qu'il favorisa. D'une part, la parution de Valeur et capital s'inscrit dans le contexte d'un regain d'intérêt pour la théorie de l'équilibre général à la fin des années 1930. D'autre part, et surtout, Hicks y met en place, après son article de 1937, le projet de confrontation de la théorie keynésienne et de la théorie classique, à l'origine de la synthèse néoclassique avec Paul Anthony Samuelson (1947) et Don Patinkin (1956).
Techniquement, l'apport de Hicks à la théorie de l'équilibre général est faible, car il ne se soucie pas des questions d'existence ou d'unicité de l'équilibre. Sur le thème de la stabilité, Samuelson montre, en outre, que les conditions de stabilité établies par Hicks ne sont ni nécessaires ni suffisantes. En revanche, Hicks souligne à juste titre l'importance des anticipations sur la stabilité. Tant que la variation d'un prix courant provoque une variation des prix attendus proportionnellement inférieure (élasticité de prévision inférieure à 1), la substitution dans le temps joue un rôle stabilisateur : « Une hausse de prix incitera les gens à remettre à plus tard leurs dépenses, tandis que les entrepreneurs seront poussés à retarder leurs achats de facteurs et à avancer leurs ventes de produits. » Cela entraîne donc un excès d'offre qui tend à ramener rapidement le système de prix à l'équilibre. Au contraire, si l'élasticité de prévision était supérieure à l'unité (anticipation d'une hausse persistante des prix), la situation serait certainement instable (hausse persistante des prix), car alors la possibilité de substitution dans le temps disparaîtrait. Cette thématique de recherche a été prolongée par tous les théoriciens qui se sont intéressés aux questions d'équilibre temporaire et intertemporel (Jean-Michel Grandmont notamment), tout en insistant sur le rôle des effets revenu.
Hicks applique cette grille d'analyse au taux d'intérêt (et aux anticipations de taux) pour discuter de la stabilité d'une économie monétaire. Dans une configuration d'excès d'offre de monnaie (suite à une baisse exogène des prix), le taux d'intérêt courant devra baisser (ou l'offre exogène de monnaie se rétracter) pour rétablir l'équilibre sur le marché de la monnaie et freiner la baisse des prix. Or il se peut justement que la baisse du taux d'intérêt à court terme soit impossible si le taux est déjà trop bas au départ : le système sera alors instable. Toutefois, la baisse de taux à court terme nécessaire pour rétablir l'équilibre sera d'autant plus faible qu'elle s'accompagnera d'une baisse des taux anticipés (et donc du taux à long terme), une hypothèse que Hicks juge peu probable.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Sébastien LENFANT : maître de conférences en sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification