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VALEURS, philosophie

Hiérarchies et typologies des valeurs

Une pluralité ordonnée : l'approche phénoménologique

Max Scheler - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Max Scheler

Des philosophes comme Max Scheler ont tenté de relier les différents domaines de valeur en définissant entre eux une hiérarchie. Scheler soutient même que les valeurs s'organisent forcément entre elles de manière hiérarchique. De l'inférieur vers le supérieur, la hiérarchie qu'il nous propose commence par l'agréable (les valeurs liées au fonctionnement d'un organe de sensibilité particulier), puis passe par les valeurs vitales (l'accroissement de la vie, donc aussi ce qui est « noble »), par les valeurs spirituelles – le beau, le juste, le vrai –, pour atteindre finalement la valeur suprême, le sacré. Cette valeur est liée à l'irréductibilité de la personne à des conduites et propriétés particulières. L'amour seul nous permet de comprendre la personne dans sa singularité. Le bien consiste à activer chaque valeur à son niveau, et à ne pas préférer une valeur inférieure à une valeur supérieure. En phénoménologue, Scheler devait fonder cette hiérarchie sur une analyse de notre expérience vécue. Il aurait dû montrer qu'en faisant varier les expériences, on changeait d'essence de la valeur. Mais on ne voit pas comment il aurait pu tirer de cette étude descriptive une hiérarchie qui est évidemment évaluative. Il faudrait montrer par exemple que le fait que nous placions la personne singulière au-dessus du juste en général est un fait d'essence. Or c'est précisément un enjeu de la philosophie morale sur lequel il y a débat.

On peut viser moins haut, et tenter une typologie des valeurs, plutôt qu'une hiérarchie. Mais si on considère les différentes typologies proposées par les moralistes, d'Aristote à Scheler en passant par Malebranche, elles semblent davantage des témoignages d'évolution culturelle et de changement des mentalités que des fondements satisfaisants d'une différenciation d'essences et de domaines entre valeurs. Bernard Williams a montré, en étudiant le devenir de la notion de « honte », qu'il était difficile d'isoler une essence de la honte, et de son contraire l'honneur, indépendante des contextes culturels dans lesquels des valeurs de ce type ont vu le jour. La honte (l'aidôs) était très liée chez les Grecs au fait d'être surpris par le regard d'autrui dans un activité très privée – par exemple sexuelle. Nous parlerions seulement de gêne aujourd'hui. L'honneur féodal renvoyait à des relations de domination sublimée. La honte aujourd'hui est liée au jugement des autres portant sur un acte supposé mauvais, mais je peux vouloir justement surmonter cette honte quand mon propre jugement m'assure du contraire.

Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas trouver entre ces différentes versions des similarités. La honte consisterait ainsi à se sentir exposé à son désavantage à la perception d'autrui, et à risquer par là une perte de pouvoir. Selon l'exemple de Scheler et de Taylor, le modèle féminin qui sent tout d'un coup que le peintre la regarde comme un objet sexuel se sent dépossédé de son statut de modèle. Mais, comme pour le citoyen grec qui devenait esclave par la conquête militaire de sa cité, la honte du modèle peut être atténuée par l'impossibilité où il se trouve d'empêcher ce type de regard, et le fait qu'il ne s'exhibe ainsi que par nécessité.

Valeur et contexte

Peut-être pourrait-on différencier les valeurs en fonction de leur prétention à pouvoir être transposées, tout en continuant à être reconnues, dans d'autres contextes que celui du jugement de valeur initial, et par le degré de convergence qu'elles requièrent entre les jugements des sujets. Ainsi, une valeur épistémique comme le vrai nous semble indépendante du contexte, tout[...]

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