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VALEURS, philosophie

Valeurs et émotions

Mais quelle serait cette approche « non intellectuelle » de l'expérience de valeur ? Meinong avait proposé de relier les valeurs aux émotions et aux sentiments, et ceci justement dans une perspective réaliste. Pour lui, un sentiment simple porte sur une propriété d'un objet. Ainsi, quand nous sommes sensibles à la tristesse d'une chanson, cette chanson est l'objet support de la tristesse (son objet présuppositionnel, dit Meinong) et la tristesse de la chanson, l'objet du sentiment (de l'émotion). Mais le sentiment porte finalement non pas sur la chanson, ni sur la tristesse, mais sur l'existence de la tristesse de cette chanson. De même, avoir le sentiment de la valeur d'une victoire, c'est supposer que cette victoire existe. Meinong voyait là une analogie entre le sentiment et la vérité. Pour ce philosophe, en effet, la vérité est l'accord entre l'objet et son existence d'une part et, d'autre part, la stucture qui définit sa modalité d'existence : si j'énonce la structure exhibée par ce qui existe, alors je suis dans le vrai.

Sentiment et vérité

L'intérêt d'une telle perspective est de pouvoir établir une analogie entre sentiment de valeur et jugement vrai, et donc de pouvoir dire en quoi un sentiment de valeur est ou non justifié : il faut que la situation possède cette propriété axiologique. Tout comme on a pu parler de vérité dans le domaine de la connaissance, on parlera ici de « légitimité » du rapport entre l'objet de l'expérience de valeur et le contenu du sentiment de valeur. Dans les deux cas on vise la relation du sujet à une valeur qui ne dépend pas de lui. Le fait que le sentiment de valeur soit toujours celui d'un sujet ne prouve donc nullement, selon Meinong, que ce sentiment ne repose pas sur une réalité objective. Comme Meinong admet une notion d'être plus large que celle de l'existant concret, et qui inclut les êtres de fictions, il n'a pas de peine à étendre les sentiments de valeurs à des états axiologiques fictionnels.

Meinong a esquissé une théorie similaire à celle des « dispositions », mais il la limite aux valeurs personnelles, propres au seul sujet. Pour les valeurs impersonnelles, il faut renvoyer à la propriété que possèdent les objets ou les situations actuellement, au moment de notre sentiment de valeur, sinon on ne rend pas compte de l'expérience intentionnelle du sujet, c'est-à-dire de ce qu'il vise véritablement. Or, quand il vise une valeur impersonnelle, comme la victoire, il ne vise pas une disposition qui pourrait n'être pas encore réalisée, mais une propriété actuelle. Par ailleurs, Meinong tenait à faire une différence entre la valeur et le devoir, qui était pour lui de l'ordre du « désidératif ».

Il n'avait sans doute fait que reculer sans cesse le problème en accumulant les analogies entre le sentiment de valeur et la perception (comme dans la théorie dispositionnelle) puis entre le sentiment de valeur et la vérité (d'ordre intellectuel, mais pour Meinong il y a continuité entre sentiment et intellect) pour finir par renvoyer à l'obligation. Le but était de rendre justice à l'intuition « réaliste » que le sentiment de valeur nous donne accès à la valeur, mais qu'il ne la produit pas, qu'elle en est indépendante. Comme l'auteur voyait dans les valeurs des réalités accessibles et non pas des projections subjectives, il devait définir un mode d'accès aux valeurs. Mais il fallait préserver leur spécificité de valeurs, et donc les distinguer des propriétés perçues, comme les couleurs, ou conçues, comme les obligations. C'est pourquoi il a proposé de voir dans les émotions l'origine de cet accès aux valeurs.

La résistance de l'attente : un critère de différenciation

S'il[...]

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