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VALHÖLL ou WALHALLA

Pour la mythologie germano-nordique, il existe deux sortes de « morts », si l'on peut dire : ceux qui ont trépassé de façon « banale », normale, et ceux qui sont tombés, les armes à la main, sur le champ de bataille, parce qu'ils ont été choisis par les émissaires d'Óðinn, les Valkyries, pour grossir les rangs des champions ou einherjar appelés, au jour du Ragnarök, à combattre aux côtés des dieux contre les puissances du désordre. Ces morts-là sont désignés par le collectif valr ; à eux est réservé le seul paradis qu'ait connu cette religion, la « halle du valr » ou Valhöll (Walhalla). Les autres s'en vont peupler les lugubres empires de la maîtresse des enfers, Hel.

Óðinn est le souverain maître de la Valhöll, vaste édifice qui a six cent quarante portes et dont les poutres sont des lances, les tuiles, des boucliers, les bancs étant jonchés de broignes. Óðinn ne s'y nourrit que de vin, mais les einherjar y consomment la chair du sanglier Saehrímnir, qui se reconstitue d'elle-même chaque jour, tout en buvant l'hydromel précieux qui coule des pis de la chèvre Heiðrún et que leur servent les Valkyries. Ils passent leurs journées à s'entrebattre, blessés et occis ressuscitant au soir pour reprendre leurs joutes de plus belle le lendemain matin — version élaborée du vieux mythe de la bataille éternelle. Le Grímnismál (dans l'Edda poétique) et l'Edda de Snorri Sturluson insistent sur la splendeur, l'or et la liesse qui marquent cette demeure.

Il y a lieu de s'étonner de l'existence de ce seul « paradis », martial et belliqueux, assez conforme en somme à l'idée que nous aimons nous faire des Vikings, dans une religion qui, malgré les idées reçues, ne privilégiait pas tellement, tant s'en faut, l'idéal guerrier. On a donc voulu y voir une affabulation tardive, virile et aristocratique, particulièrement chère aux scaldes, sectateurs d'Óðinn. Les textes et l'archéologie prouveraient toutefois que l'idée en est plus ancienne. Peut-être alors faudrait-il faire droit aux théories avancées en 1931 par le Norvégien Magnus Olsen : il y aurait là, déformée par les siècles et imprégnée de motifs magiques, une vieille réminiscence des amphithéâtres romains, du Colisée en particulier (les innombrables portes), que les guerriers germaniques auraient pu contempler aux premiers siècles de l'ère chrétienne.

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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