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VALSE AVEC BACHIR (A. Folman)

Durant le festival de Cannes 2008, tout au long de la compétition, le film d'animation Valse avec Bachir fut, aux yeux des journalistes, une véritable révélation, certains y voyant même une possible palme d'or. À la surprise générale, le moment du palmarès venu, il en fut complètement écarté. Mystère des délibérations d'un jury...

Nous sommes à Tel-Aviv. Ari, quadragénaire, fait depuis plusieurs années le même cauchemar. Il se revoit jeune militaire au Liban, vingt ans plus tôt, sortant nu de la mer dans une nuit blême, en compagnie d'autres soldats. Troublé, il se rend chez ceux dont il a reconnu le visage dans son rêve. De leurs témoignages, fragments épars de mémoires diverses, surgira petit à petit un épisode occulté de leur vie : le massacre de Sabra et Chatila en septembre 1982. Ce jour-là, sous les yeux de l'armée israélienne, quelque huit cents réfugiés palestiniens (vieillards, femmes et enfants) sont exécutés par les milices chrétiennes, en représailles à l'assassinat du président libanais Bachir Gemayel.

Valse avec Bachir frappe d'abord par sa teneur autobiographique. L'auteur, Ari Folman, porte le même prénom que son personnage. Et il était militaire lors de la première guerre du Liban. Lui aussi, il avait « oublié ». « Nous avions tous vécu la même chose, déclare-t-il, mais nous n'en parlions jamais. Je m'étonne de l'ampleur du refoulement. » (Télérama no 3050) Il lui faudra de nombreuses séances chez un psychiatre, et la rencontre d'anciens compagnons d'arme pour pouvoir retrouver les images manquantes de cet épisode de sa vie. Un film thérapie, également : le scénario s'est nourri de témoignages authentiques. Pour en venir à bout, Folman a donné quatre années de sa vie, « mêlées de dépression et d'euphorie » (ibid.). Mais il n'était pas question de réaliser un documentaire ou un film de guerre traditionnel. Là réside la grande originalité de l'œuvre : d'emblée, Ari Folman a choisi l'animation. Parce que, après des années de documentaire « où l'on est dépendant des personnes filmées, voir objet de manipulation de leur part » (Les Cahiers du cinéma, no 635) elle lui offrait cette liberté dont il avait besoin, pour mieux créer une distance entre lui et la réalité qui le tourmentait. Le dessin seul ouvrait les portes de l'imaginaire, dans la mesure où il permettait de traduire visuellement cette expérience traumatisante et de « raconter la perception des soldats. » (ibid.)

Le début du film est terrifiant : une meute de chiens aux yeux jaunes, tous crocs dehors dans la nuit, traque un homme dans une ville fantôme. C'est la première vision hallucinée du film. Il y en aura d'autres, toujours à mi-chemin entre réel et imaginaire, tant les personnages semblent vivre dans un état second (pour évoquer le souvenir de son entrée dans Beyrouth désert, l'un d'eux parle de « trip au LSD »). On n'oubliera pas ce soldat en transe, déchargeant frénétiquement sa mitraillette tout en virevoltant sur lui-même dans des ruines où le portrait de Bachir Gemayel semble se multiplier à l'infini ; ou cette foule de vieillards et d'enfants, muets sur leurs balcons, regardant les militaires entrer dans Beyrouth comme s'ils étaient au spectacle ; ce blindé rempli de cadavres, avançant dans une zone déserte, tandis que les soldats tirent nerveusement sur un ennemi invisible. Ou encore ces chevaux hennissant de douleur, cloués au sol en une interminable agonie…

Tout le film exsude la peur, l'angoisse. Et la culpabilité. « On a accepté depuis longtemps l'idée que l'invasion de Beyrouth-Ouest en 1982 était une grossière erreur », déclare Folman (ibid.). Comme Redacted, de Brian de Palma, qui traitait du conflit en Irak, c'est l'inutilité[...]

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